Le bien-être animal comme argument commercial
La liste des aménités que doivent comporter les produits alimentaires pour se démarquer ne cesse de s’allonger. Et la prochaine pourrait bien concerner le respect du bien-être animal. C’est le pari fait par Les 2 Vaches (groupe Danone).
«Nous avons vécu 50 années dans un système agricole qui est aujourd’hui un peu au bout du rouleau et les filières qui se créent doivent remettre un peu d’harmonie dans tout cela, depuis le consommateur jusqu’à l’animal, en passant par une meilleure prise en compte du bien-être animal » affirme Daniel Tirat, directeur général de Stonyfield France (filiale bio du groupe Danone). Pour parvenir à intégrer cette dimension nouvelle dans son cahier des charges, l’entreprise s’est tournée vers l’ONG internationale CIWF, qui vient d’ouvrir des bureaux en France et l’a aidée à mettre au point un référentiel BEA (bien-être animal). Référentiel qui comporte huit points à surveiller, les boiteries, les mammites, l’indice de propreté des vaches, l’état d'engraissement, l’indice de confort, le nombre de jours au pacage par an, le taux de réforme et la distance de fuite, bon indicateur du niveau de stress des animaux. Daniel Tirat plaide pour le simple bon sens : « Lorsqu’une vache a une mammite, c’est pénalisant en termes de production laitière. Donc si nous faisons en sorte d’éviter les mammites, nous y gagnons forcément économiquement. » En résumé, mieux les vaches vivent, mieux elles produisent.
Transformant 7 millions de litres de lait, l’entreprise compte dès 2012 bénéficier de 4 millions de litres (une dizaine de fermes) conformes à ce nouveau cahier des charges qui vient s’ajouter au cahier des charges bio. Avant d’atteindre 100 % de la production à terme. « Ce que nous demandons aux éleveurs n’est pas simple, il faut du temps car cela ajoute de la complexité à un métier qui est déjà compliqué. Il faut juste accepter que les choses se fassent à leur rythme », explique-t-il encore.
« À nous d’être précurseurs »
Pour récompenser les efforts fournis, la société amène une prime de 5 euros par 1 000 litres aux éleveurs rentrant dans les clous. Mais le marché est-il prêt à rémunérer un tel surcoût ? Pour Daniel Tirat, sans conteste, et il espère que chacun dans la filière saura adhérer au projet. « Pour que cela fonctionne, il faut que cela repose sur un business bien construit. Le bien-être animal va devenir dans les dix ou quinze prochaines années une vraie question publique. Ce que nous espérons, c’est que notre exemple puisse en susciter d’autres, c’est aussi parce que nous sommes en bio que nous sommes engagés dans cette démarche, c’est à nous d’être les précurseurs. Chez Stonyfield aux USA, il a fallu des années et des années pour que l’entreprise devienne un acteur majeur du changement dans l’agroalimentaire… C’est long de faire changer les choses. » Quant à l’apport de CIWF, Daniel Tirat le juge déterminant : « Ce qui est important dans l’approche que peut avoir le CIWF, c’est le pragmatisme. L’ONG n’est pas là pour donner des leçons, mais pour aider les industriels à changer sans les stigmatiser. » Ce premier partenariat en France illustre en tout cas la volonté de l’organisation de se pencher sur la question de la production laitière après avoir surtout œuvré sur les porcs et les volailles.