Laitnaa, une nouvelle coopérative au pays du Maroilles
Petite révolution au pays de Maroilles ! La coopérative laitière Nord-Aisne-Ardennes (Laitnaa) vient faire jeu égal avec les différents groupes laitiers implantés au pays du fromage fort, au premier rang desquels figurent Lactalis (Ucanel) et Nestlé (Sopad). Seule exception de taille pour Laitnaa : la coopérative, créée en juin 2005, ne dispose d’aucun outil industriel mais va collecter le lait de ses adhérents dès avril prochain…
Le 1 er avril 2008 devrait ainsi marquer l’histoire laitière de la Thiérache d’une pierre blanche, voire d’une pierre bleue. Dans quelques jours, Laitnaa devrait en effet se substituer entièrement à la Sopad-Nestlé de Boué (02) en matière de collecte. Ce sera l’aboutissement de plus de deux ans de réflexions et de tractations après que le groupe Nestlé a décidé de se séparer de la gestion de son parc froid (les tanks à lait des producteurs), puis dans un deuxième temps de sa collecte laitière. Un virage dans les relations qu’entretenait la Sopad avec ses producteurs depuis son implantation en Thiérache en 1927.
« Cette décision est avant tout motivée par un changement radical de la stratégie industrielle du groupe multinational », souligne-t-on chez les producteurs. Nestlé a en effet décidé de se séparer de son activité poudres infantiles, lait concentré sucré et café mixte (marque Bonjour) et de se concentrer désormais dans la fabrication de produits diététiques infantiles, dépendant désormais de sa division internationale « nutrition ». Dans la foulée, l’entreprise implantée en Thiérache de l’Aisne explique donc aux producteurs qu’elle n’a plus besoin des 300 millions de litres de lait nécessaires à ses fabrications annuelles. Seuls, 60 millions de litres de lait lui seraient suffisants.
Accord de la majorité des producteurs
Un désengagement total de son parc froid et l’abandon de la gestion de sa collecte : il n’en fallait pas plus pour faire réagir les producteurs. Maurice-Henri Gobaille est l’un de ceux-ci. Il préside déjà l’un des quatre groupements de producteurs qui livre son lait depuis toujours à la Sopad-Nestlé. Pour lui, « il est hors de question de voir s’éparpiller l’ensemble des livreurs à Nestlé ». Il crée ainsi une nouvelle coopérative qui prend en charge la gestion des tanks des adhérents, puis qui assurera la collecte. Il accepte d’en prendre la présidence. Une fois la coopérative Laitnaa créée, charge à elle de trouver de nouveaux industriels acheteurs et de passer de nouveaux accords avec les quatre sociétés de ramassage du lait, toujours en contrat avec Nestlé.
L’initiative n’a certes pas remporté une totale adhésion, mais la majorité des producteurs a donné son accord. Même s’ils ont beaucoup de mal à imaginer une collecte sans usine de transformation, ils ont versé 10 euros/1 000 litres de parts sociales. « Ce n’est rien quand on sait que le prix de 1 000 litres a augmenté de 103 euros sur un an », souligne M.H. Gobaille. La nouvelle conjoncture laitière a redonné un attrait à la production. « Ce fut le déclic supplémentaire qui a permis l’aboutissement de notre projet », rajoute-t-il.
Certains producteurs, notamment parmi les plus gros, ont cédé aux sirènes des groupes voisins, dont Ucanel (groupe Lactalis). D’autres ont rejoint le GIE Avesnois Lait Le GIE Avesnois-Lait a été créé en octobre 1989 avec le groupe belge Comelco comme client unique. A l’origine de cette création, un différend en matière de prix du lait entre des producteurs et la laiterie Fauquet qui refuse à l’époque de passer un accord avec le belge Comelco. Le GIE pèserait aujourd’hui quelque 40 M de litres de lait.. « Sur les 420 producteurs qui livraient environ 143 millions de litres de lait à la Sopad-Nestlé de Boué (02), ils sont désormais 320 qui pèsent désormais 105 à 110 millions de litres de lait par an », précise Maurice-Henri Gobaille qui négocie actuellement sa collecte avec Nestlé et Novandie Novandie est la filiale du groupe Andros (ex Générale Ultra-Frais reprise à l’ULN en début 1990) et dispose de six sites industriels en France. Ceux de Vieil Moutier (62) et de Pomly Rozet Saint Albin (02) transforment 350 millions de litres mais ne possède qu’une collecte de 80 millions de litres de lait.. Les deux contrats sont en voie de finalisation. Les responsables de Laitnaa rencontraient le 25 mars dernier les dirigeants de la Sopad pour une ultime négociation. « Il semble que l’on soit d’accord », expliquait le président quelques heures avant la négociation en évoquant le volet financier. D’ores et déjà, Nestlé a annoncé qu’il se réservait 8 à 9 millions de litres de lait provenant de contrats directs signés avec quelques producteurs de sa zone.
La multinationale, qui tablait sur un approvisionnement de son site en poudre de lait et en lait écrémé, aurait fait aujourd’hui machine arrière, démontrant ainsi que « tenir la collecte laitière, est quelque chose de primordial pour un transformateur laitier ». Nestlé aurait révisé ses chiffres : l’usine de Boué fait savoir qu’elle n’aurait plus besoin de 60 millions de litres de lait annuel, mais du double… Preuve que dans ce dossier, manœuvres et pressions ont parfois agrémenté les négociations !