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L'agriculture roumaine va payer la facture de l’entrée dans l’UE

L'agriculture roumaine va devoir se réorganiser pour redevenir ce pays exportateur qu'il fut autrefois. Une véritable restructuration de la paysannerie roumaine se prépare, accompagnée d'une réorganisation foncière.

« L’année 2005 restera comme une année noire pour l'agriculture roumaine», explique Mihai Joan, agriculteur à une vingtaine de kilomètres de Bucarest. Nous sommes découragés et n'avons plus d'argent », rajoute-t-il. Tempêtes, inondations et méventes des céréales n'ont pas épargné les agriculteurs roumains. Pourtant avec ses 70 hectares cultivés, ce producteur de légumes se situe bien au-dessus de la moyenne des exploitations roumaines.

« L'agriculture roumaine est bipolaire », explique Avram Fitiu, directeur de cabinet de l'un des quatre secrétaires d'État à l'Agriculture depuis novembre 2004. 4,3 millions de petites exploitations d'une moyenne de 2,2 hectares totalisent 80 % de la SAU et « plusieurs milliers de fermes d'État de plus de 1 000 hectares » en cultivent 20 %.

En 1920, la Roumanie était le troisième producteur de blé européen. « Le potentiel est toujours là », souligne Avram Fitiu, rappelant la forte vocation exportatrice de son pays. « En 1989, nous disposions de 300 000 ha de vignes et de 300 000 ha de pommiers. Nous les avons toujours. Il suffit de nous organiser pour retrouver notre vocation exportatrice, » lance-t-il.

38 % de la population totale de Roumanie vit (ou survit) de l'agriculture. C'est beaucoup, comparé aux 4 % français ! C'est pourquoi l'entrée du pays en Europe pourrait provoquer cette « fracture sociale » redoutée par les dirigeants politiques roumains.

La plupart des jeunes ont quitté le village

Car on demande aux agriculteurs roumains de se mettre au même niveau que leurs homologues européens en l'espace de quelques années. « Vous, Français, vous avez eu 50 ans pour le faire ! », précise Avram Fitiu en expliquant le défi posé aux politiques pour les dix prochaines années. « Comment transformer nos fermes familiales en entreprises agricoles avec un réel pouvoir de commercialisation et surtout, qui paiera l'addition ?».

La plupart des petits propriétaires d'avant 1948 ont retrouvé leurs terres après la révolution de 1989. La réforme foncière a duré 16 ans. Elle n'est pas parfaite et doit encore être modifiée. « On réfléchit actuellement à une nouvelle organisation foncière à partir d'un exemple européen adapté aux spécificités roumaines», confie le directeur de cabinet. L'agriculture roumaine va également devoir faire face aux départs de la tranche d'âge des 45-55 ans.

La plupart des jeunes formés au pays ont quitté la campagne pour la ville ou se sont expatriés. « Qu'ils reviennent, ce serait l'idéal pour reprendre les terres », explique Avram Fitiu. Mais les jeunes le souhaitent-ils vraiment ? En tout cas, l'installation des jeunes ne fait pas partie des priorités du nouveau gouvernement. La restructuration se fera en tenant compte du départ des plus âgés et de ces jeunes qui ont quitté la terre et qui vraisemblablement ne reviendront plus.

A partir de ces données, le gouvernement sorti des urnes en novembre 2004 a défini son plan d'actions. De l'agriculture familiale, il en a fait sa cible. « Pas les anciennes fermes d'Etat qui ont bénéficié des largesses de l'ancien gouvernement», déplore Avram Fitiu.

4 800 fonctionnaires à recruter d'ici 2007

Le plan qui doit se mettre en place dès janvier 2006 permettra aux paysans de plus de 62 ans de quitter la terre en leur attribuant une rente de 100 euros par hectare et par an jusqu'à leur mort (ou 50 euros par hectare et par an) à condition qu'ils vendent (ou louent) leurs terres à une nouvelle société d'exploitation. Avec ces lopins de terre libérés, l'État compte créer des structures de 15 à 20 hectares dans un premier temps et de 30 hectares dans un deuxième temps. Ils devraient permettre de remettre une grande partie de l'agriculture roumaine sur les rails européens.

L'État devra d'ailleurs apporter une aide à certaines fermes de subsistance, « car si on les empêche d'aller sur le marché, il faudra que nous leur compensions le manque à gagner ». Mais ce sont les fermes familiales en prise directe avec le marché qui constituent la priorité du gouvernement qui s'appuiera sur la nouvelle agence de développement rural. Objectif du plan gouvernemental : constituer 6 000 exploitations, 600 ateliers de transformation laitière et 500 « unités non-agricoles ».

« On a beaucoup d'agriculteurs, mais aucune structure de regroupement de l'offre ou de commercialisation», constate Avram Fitiu, conscient des efforts à mener. En août dernier, le gouvernement a voté une loi favorisant l'association des paysans entre eux à condition qu'ils soient plus de cinq. Ce qui pourra permettre d'attribuer certaines subventions, non plus à des individus, mais à des groupes de paysans en luttant de ce fait un peu plus contre « l'économie grise ». Pour cela, la Roumanie doit réussir l'énorme pari de la création de la future agence de paiement qui devra s'appuyer sur des mécanismes institutionnels et qui devra embaucher quelque 4 800 fonctionnaires formés en 2007 .

Hygiène : un millier d'unités en péril

« Depuis deux à trois ans, nous rencontrons des problèmes de commercialisation. Nous sommes à la merci des petits intermédiaires pour nos produits », renchérit Joan Mihai qui, contrairement aux idées répandues, n'est pas hostile à la mise en commun de moyens avec ses voisins agriculteurs. « Nous devons pouvoir nous associer entre producteurs pour mieux nous en sortir, pour mécaniser davantage notre production et dégager ainsi du temps pour nous consacrer à la commercialisation », reconnaît-il. Joan Mihai serait-il une exception dans ce pays qui ne veut plus entendre parler de structures collectives ?

Le volet sanitaire n'est pas le moindre pour l'entrée de la Roumanie dans l'UE. « L'Union européenne est dans ce domaine plus exigeante à notre égard qu'elle ne l'est envers certaines structures françaises », déplore le directeur de cabinet. Il faudra donc fermer tueries, abattoirs et ateliers de transformation laitiers qui ne respectent pas la législation européenne. Le ministère distingue quatre catégories d'outils : ceux qui respectent actuellement les normes sanitaires, ceux qui régleront leurs problèmes de mises aux normes en 2006 et ceux qui le feront à l'horizon 2009. On recense en outre environ un millier d'unités qui ne pourront jamais respecter les normes.

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