L'agriculture raisonnée, un espoir à retrouver
À l'occasion de la journée nationale sur l'agriculture raisonnée organisée hier, les discours des nombreux intervenants s'accordaient sur un point : le travail est encore devant eux. Balancés entre la déception des résultats actuels et l'optimisme envers le futur, les sentiments étaient mi-figue mi-raisin, même si la publication du 3e baromètre trimestriel de l'agriculture raisonnée (AR) a rendu compte d'une progression des exploitations qualifiées, au nombre de 1 019 contre 850 fin juin.
Jean Salmon, vice-président de l'APCA, a résumé les freins qui expliquent le développement ralenti de l'AR. « De l'extérieur, la qualification d'une exploitation sous ce référentiel peut apparaître comme une demande coûteuse avec le montant de la mise en conformité, plus important pour les exploitations diversifiées. Il faut également y ajouter le coût de l'audit de qualification, estimé entre 850 et 1 500 euros». Un véritable coup d'arrêt a également été provoqué par la mise en place de la conditionnalité des aides PAC.
Pour de nombreux agriculteurs, la priorité a été de ne pas perdre ces dernières, ce qui a relégué l'AR à l'arrière-plan. Le président de la CNAR (Commission nationale de l'agriculture raisonnée et de la qualification des exploitations) Antoine Herth, député du Bas-Rhin, a admis avoir connu « beaucoup de déceptions dans ce dossier, entre les débats sémantiques sur les termes même d'agriculture raisonnée, mais aussi sur le manque de moyens accordés. Des points positifs sont toutefois à mettre au crédit de l'AR, qui s'inscrit dans le cadre de la Loi d'orientation agricole ». C'est précisément sur ce point qu'est intervenu le ministre de l'Agriculture, invité éclair de la journée. Interrogé sur la possibilité d'inclure l'AR dans les signes officiels de qualité pour lui donner un coup de pouce, Dominique Bussereau a écarté cette hypothèse.
Ne pas « brouiller le message »
Conscient de la nécessité de bien définir aux yeux des professionnels comme du grand public la définition d'AR, le ministre n'a pas souhaité ajouter ce référentiel aux côtés des AOC, Label Rouge, Agriculture biologique ou CCP, pour ne pas « brouiller le message ». M. Bussereau a cependant tenu à rappeler les efforts budgétaires faits pour valoriser l'AR, en confirmant le principe d'une aide au lancement d'exploitations (d'un montant de 1 000 euros annuels), payable durant trois ans. Sur le plan comptable, cette mesure reste modérée, puisqu'elle atteint 3 M Eur/an, avec un financement mixte entre la France et l'UE.
Dans les annonces faites hier par le ministre, déjà connues ou budgétées, les exploitations AR disposeront à partir de 2006 d'un bonus pour le système de calcul de l'écoconditionnalité, sous la forme d'une réduction du coefficient de risque. La communication, gros chantier qui attend l'AR, devra attendre un soutien autre que celui du ministère, puisque celui-ci ne s'est engagé qu'à financer les panneaux d'identification « Agriculture raisonnée » disposés à l'entrée des exploitations. Le chemin est encore long et parsemé d'embûches pour cette initiative, qui avait peut-être trop vite fixé son objectif de qualifier 30 % des exploitations françaises d'ici à 2008.