Label Rouge : la Limousine voyage à Paris
France Limousin Sélection, le « parlement » de la célèbre race à viande et l’organisme Limousin Promotion qui gère le label « Blason Prestige » ont organisé vendredi 20 février une table ronde à Paris au restaurant de la Tour Eiffel pour examiner les forces et les faiblesses de la filière à la veille de l’ouverture de la plus grande ferme de France. L’occasion de fêter le franchissement du million de vaches mères mais aussi de parler de l’avenir de la commercialisation de la Limousine. «Alors qu’en 1960 la race était en voie de disparition, aujourd’hui elle est le best seller des années 2000», a martelé Bernard Roux, éleveur et président de France Limousin Sélection.
Mais s’il y a de quoi se réjouir, l’époque n’est pas à l’euphorie car le secteur viande est en crise : «Les trois labels bœuf, junior et veau ont eu un développement en paliers, correspondant aux différentes crises, a constaté Annie Soularue, présidente de l’OP Bevicor et présidente de l’ODG Limousin Promotion. Aujourd’hui, on remarque une certaine érosion des points de vente artisanaux ce qui pose un problème de volume qu’il faut résoudre. Cela passe par une préoccupation plus importante de l’aval et par une étude des besoins des abatteurs.»
Le boucher est l’homme clé du Label
L’érosion des points de vente de boucheries artisanales n’est pas propre à Blason Prestige. Elle est commune à l’ensemble des labels. De nombreux bouchers qui avaient rejoint le Label Rouge au moment du choc de l’ESB en estimant que le Label Rouge constituait une réassurance pour le consommateur, jugent que, la crise étant passée et les contraintes du label étant trop fortes, ils peuvent se passer d’un tel signe de qualité.
La réponse à ces inquiétudes a été donnée par Thierry Borde, dg de Plainemaison, du groupe Beauvallet : « Le bœuf Label Rouge représente 3% du marché total conventionnel. C’est une niche à développer car nous avons un produit de très haute qualité, de bonne conformation et d’excellent rendement carcasse. Mais il faut être inventif et proposer aussi des alternatives aux morceaux nobles. Il existe le steak haché qui marche très bien, mais nous devons réfléchir à d’autres utilisations ou transformations de tous les morceaux, comme des tapas labellisés sur lesquels nous travaillons. »
De plus, un autre facteur inquiète : la pénurie de vocations : « Le problème est plus lié à un manque de main-d’œuvre qu’à un manque de rentabilité, fait remarquer Michel Sabatier, boucher retraité à Arc sur Tille (21), “fan” de la Limousine et Trophée Label Rouge 2008. Il faut susciter davantage de vocations car seuls les artisans peuvent véhiculer le sérieux du travail réalisé en amont par toute la filière. »
Parmi les catégories de viandes limousines, le label « Junior » semble mieux tenir la route et ne subit pas le phénomène de perte de volume. Peut être en raison de la tradition de consommation de viande jeune dans la région... Mais ce n’est pas tout : « A l’heure actuelle, il y a plus de 2 000 éleveurs engagés. Et pour cause : nous avons instauré un système de plus value pour tous les animaux labellisés, commente Michel Rinquet, responsable qualité à la Celmar, OP de la Creuse. Par ailleurs, ce label nous a permis d’améliorer la production : conformation, baisse des poids de carcasse… Ainsi, le Junior est un produit qui ne nous pose pas trop de problèmes à vendre ».
Michel Sagne, chef du restaurant le Belvédère à Limoges, dernier intervenant de la table ronde avait lui aussi son mot à dire : « Il faut recréer une dynamique pour revitaliser le label au niveau de la restauration “hors chaîne” car nous sommes des ambassadeurs un peu à l’image des bouchers comme l’a dit Marcel Sabatier. Le challenge n’est pas évident car acheter une carcasse nécessite du travail et peu de mes collègues, malheureusement, le font ».