La victoire des opposants aux OGM en Europe ?
Après quatre années de discussion, c'est à une écrasante majorité (480 voix pour, et 159 contre) que le Parlement européen (PE), réuni en séance plénière à Strasbourg, a voté le projet de directive visant à modifier la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés (OGM) dans l'environnement. Cette réforme, au-delà de ses aspects techniques, apparaît comme un recul de l'harmonisation européenne. Ce projet a été présenté comme une simple, mais nécessaire, réévaluation de la procédure d'autorisation des OGM et ce, dans le cadre d'une mise à jour des règles relatives à l'évaluation des risques « afin de tenir compte de l'évolution constante des connaissances scientifiques et des procédés d'analyse ».
Mais à cette occasion, le PE a accordé, conformément à l'article 2 § 2 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE), aux États membres la possibilité « [d']adopter des actes juridiquement contraignants qui limitent ou interdisent la culture d'OGM sur leur territoire après que leur mise sur le marché de l'UE a été légalement autorisée », sans, toutefois, compromettre le processus d'évaluation réalisé par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa).
C'est donc, ni plus ni moins, un pas en arrière dans le processus d'autorisation européen des OGM. Les « encadrements » prévus par la nouvelle directive ne limitent que très légèrement, le nouveau droit de regard accordé aux États membres. Ainsi, un État membre pourra adopter des mesures limitant ou interdisant, sur tout ou partie de son territoire, la culture d'un OGM, autorisé par la Commission européenne : celles-ci devront simplement être motivées, proportionnées et non discriminatoires et fondées sur des motifs sérieux liés à des objectifs de politique environnementale, à l'aménagement du territoire, à l'affectation des sols, aux incidences socio-économiques, à la volonté d'éviter la présence d'OGM dans d'autres produits, à des objectif de politique agricole, à l'ordre public.
Seuls les arguments sanitaires sont irrecevablesSeuls les arguments sanitaires, relevant de la seule compétence de l'Efsa, seront irrecevables. Mais, de là à affirmer comme la députée européenne, Frédérique Ries, que le projet de texte serait « une solution gagnant-gagnant entre les États membres – qui gagnent du pouvoir dans le processus de décision – et la procédure européenne d'autorisation, qui se trouve renforcée par le maintien de compétence forte pour l'Efsa », il y a un – grand – pas...
Il serait plus juste de parler d'une « Europe des OGM à la carte », mais qui ne garantit pas pour autant, aux États membres qui useraient de leur nouveau veto, l'absolution d'un tribunal arbitral international, tel que celui envisagé dans les accords TIPP entre l'UE et les États-Unis, ou bien celle de l'OMC. Europabio, parmi les détracteurs du projet, estime pour sa part que « les États membres recevront une “ licence ” d'interdire des produits sûrs qui ont été approuvés au niveau européen, et ils seront autorisés à fonder ces interdictions pour des motifs non scientifiques. Cela crée un précédent dangereux pour le marché intérieur et envoie un signal négatif aux industries innovantes qui envisagent d'investir en Europe ». Il n'en demeure pas moins que cette avancée des institutions européennes sur la question répond très clairement aux attentes des consommateurs européens.
Field Fisher Waterhouse (www.ffw.com) est un cabinet d'avocats européens qui offre des services dans de nombreux domaines du droit, et en particulier en droit de la concurrence, propriété intellectuelle et droit réglementaire européen. Katia Merten-Lentz est associée dans le département concurrence et droit réglementaire européen : elle est en charge de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, toutes filières confondues. Elle intervient tant en conseil qu'en contentieux auprès des industries de l'agroalimentaire.
C'est d'ailleurs pour cette raison que le Commissaire européen à l'agriculture, Phil Hogan, répondant au journal Süddeutsche Zeitung en marge du Salon annuel de l'agriculture à Berlin a cru bon de réaffirmer que les OGM seront suffisamment étiquetés afin de don-ner aux consommateurs l'information nécessaire pour opérer leur choix en connaissance de cause. Ce faisant, Phil Hogan rejette tout principe de dérogation proposée par les États-Unis dans le cadre du projet d'accord TIPP, concernant l'identification des OGM par code-barres sur le paquet (jugée non conforme à la législation existante).