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La traçabilité : parfois rentable, toujours incontournable

A trois mois de l'entrée en vigueur du nouveau règlement européen sur la sécurité des aliments, différents acteurs des filières agro-alimentaires font un point sur les apports et les contraintes de la traçabilité .

« La Food Law, premier règlement cadre sur l’ensemble de l’alimentaire en Europe, aura pour principe de responsabiliser directement tous les acteurs économiques de la chaîne de production, explique Nadine Normand, responsable du développement et de la normalisation en agroalimentaire à l’Afnor. Chaque maillon devra être capable d’identifier son fournisseur et son client (y compris les fournisseurs d’intrants, d’emballages, etc.) et de disposer des informations nécessaires en cas de problèmes. Cette disposition concerne les chaînes de fabrication européennes, mais également les importateurs de produits des pays tiers, qui devront eux aussi aller chercher la traçabilité.»

La mise en place de cette Food Law, qui précise les procédures de traçabilité européenne (quelles informations doivent être tracées, jusqu’à quel degré de précision…) aura peut-être pour effet de rassurer les producteurs et transformateurs français qui ont aujourd’hui l’impression qu’on leur demande de faire beaucoup d’efforts, alors que des produits importés sont vendus dans l’Hexagone, « sans aucune garantie de traçabilité ». « Nous vivons ces exigences de traçabilité, qui impliquent que nous mettions par écrit des procédures déjà mises en place depuis longtemps, comme une ingérence de la société dans notre profession, témoigne Bernard Cazals, président de la coopérative Unicor. Et nous les vivons d’autant plus mal qu’aujourd’hui nous avons de la peine à valoriser notre production, même sous signe de qualité, notamment parce que nous subissons la concurrence déloyale de produits importés qui n’ont qu’une obligation de résultat, quand on nous impose, à nous, une obligation de moyens». Même son de cloche chez Bonduelle Private Label (BPL) : « quand on voit qu’on peut être déréférencé pour un problème de traçabilité, alors que les distributeurs vendent des haricots du Kenya sans traçabilité, on peut se poser des questions », s’indigne Thierry Ponthieux, directeur général de la société.

Une exigence bénéfique pour la production…

« Nous sommes condamnés à mettre en place la traçabilité, notre survie en dépend, poursuit Thierry Ponthieux. Chez Bonduelle, la traçabilité en amont, avec le monde agricole s’est construite sur un vrai partenariat avec les cultivateurs, qui ont tous signé une charte d’engagement en matière d’agriculture raisonnée et sont intéressés aux résultats de BPL ».

Chez Audecoop, on a saisi la balle au bond, pour transformer les exigences de la traçabilité en atout pour leur développement. « La mise en place de la traçabilité peut être l’occasion d’avoir une vraie démarche marketing, adaptée à la demande des clients, indique Régis Serres, président d’Audecoop. En blé dur, 70 % de nos producteurs sont sous contrat et nous conservons le blé par le froid, ce qui intéresse des fabricants de pâtes comme Croix de Savoie ou Pâtes Gourmandes, pour qui la technique et l’origine France sont prépondérantes. En filières animales, nous vendons en circuits courts. Le consommateur peut faire le lien avec le lieu de production et il est prêt à dépenser plus. Quand le porc était payé 1 E au cadran, notre porc du Pays Cathare était payé 1,50 E au producteur. Lorsque les producteurs parviennent à être incontournables au sein d’une filière, la traçabilité devient alors un argument pour qu’ils retrouvent du pouvoir et soient payés correctement».

… mais pas toujours rentable

Mais le coût de la traçabilité est parfois lourd pour les filières, comme par exemple, pour l’association Charte qualité maïs Sud-Ouest qui a mis en place, en 1999, une traçabilité collective impliquant l’ensemble de ses acteurs, afin de garantir une production non OGM aux industriels amidonniers. Cela lui permet de proposer un produit de qualité Classe A qui correspond à la demande des consommateurs, et de travailler plus généralement à l’amélioration de la qualité physique et sanitaire de son produit. « Mais cette démarche engendre des surcoûts au niveau de chaque maillon de la filière. Or, leur prise en compte par une meilleure valorisation est difficile, voire impossible à obtenir de nos clients finaux», confie Bernard Pupin, président de l’association.

Avec le nouveau règlement européen, tous les opérateurs devront être équipés pour pouvoir transmettre et recevoir rapidement des données, compatibles avec les systèmes de leurs interlocuteurs. « Aujourd’hui, bien que les produits soient de plus en plus sûrs, le nombre de rappels en magasin est en augmentation, indique Jean-Louis Duval, directeur business development chez John Deere FoodOrigins. Or, si tous les maillons d’une filière ne sont pas équipés d’outils modernes pour être réactifs en cas de problème, la traçabilité ne sert à rien ». Selon John Deere, le coût d’un logiciel de traçabilité pour une PME (pour un même métier et un seul site) se monte à environ 100 000 euros.

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