SALMONELLES
La surveillance s’étend aux variants
Les salmonelles sont la première cause de toxi-infections alimentaires collectives déclarées en France. Alors que les réseaux de surveillance constatent l’émergence de nouveaux variants, les fabricants de méthodes de détection réagissent.
Parmi les salmonelles, le sérotype Typhimurium reste majoritaire mais les laboratoires alertent sur l’émergence d’un variant de ce sérotype sans deuxième phase flagellaire. Selon l’Anses, à la tête du réseau national de surveillance des salmonelles, ce variant monophasique apparaît dix fois plus souvent dans les prélèvements qu’il y a cinq ans.
Le constat ne se limite pas à la France : les experts de l’Efsa rapportent le même phénomène dans toute l’Europe sans savoir en expliquer les raisons. « Certains avancent l’hypothèse que l’implantation de ce variant monophasique représente un moindre coût biologique pour la bactérie, mais personne ne sait en dire beaucoup plus », énonce Anne Brisabois, responsable de l’unité de caractérisation épidémiologique bactérienne de l’Anses.
3 CAS D’INFECTION EN 3 ANS
Seule certitude : ce variant sans deuxième phase flagellaire est à l’origine de plusieurs cas récents de toxi-infections alimentaires collectives. En France, il y a eu l’an dernier un épisode lié à la consommation de saucisses sèches, puis cette année un cas associé à des fromages de chèvre. Et ce n’est pas tout : le sérotype Typhumurium ne possède pas un seul mais plusieurs variants. Une TIAC liée à la consommation de tiramisu a fait parler d’elle en 2009. Dans les oeufs utilisés pour la préparation des desserts, les analyses ont mis en évidence la présence d’un variant immobile, sans première ni deuxième phase flagellaire. Forme que les autorités ont également à l’oeil malgré sa plus faible prévalence.
La DGAL a ainsi pris des mesures s’agissant de la surveillance des troupeaux de volailles et publié une note de service appelant les laboratoires agréés à être vigilants à la détection des variants du sérotype Typhimurium au même titre que le sérotype Typhimurium lui-même. Message passé. Dans le secteur volailler et les autres filières, les consciences sont aujourd’hui éveillées.
ATTENTION AUX RESTRICTIONS DES MÉTHODES
Mais se pose la question des moyens de détection. Les méthodes disponibles sont-elles adaptées ? Permettent-elles le dépistage des souches émergentes ? A côté d’une méthode normalisée de détection des salmonelles dans les aliments, il existe plusieurs méthodes alternatives, moins lourdes et plus rapides. Seule réserve : certaines, basées sur un principe de migration, ne détectent pas les bactéries immobiles. Chargé de réaliser les analyses demandées par la DGCCRF, le Service commun des laboratoires a étudié les performances de quatre méthodes alternatives validées Afnor donnant un résultat négatif en 48 heures.
Selon les résultats de l’étude, le variant immobile est détecté par les méthodes Salmonella Precis d’Oxoid et Rapid Salmonella de Biorad, basées sur un principe enzymatique. Mais n’est pas décelé par les tests Sésame Salmonella de Biokar et SMS de AES Chemunex, fondés sur un principe de migration. Les quatre méthodes en revanche détectent le variant monophasique sans phase 2. « Les méthodes alternatives ont l’avantage d’être rapides », commente Nelly Jardy, directrice de l’unité biologie du SCL(1). « Mais encore faut-il être attentif à leurs limitations et savoir que certaines méthodes exposent au risque de passer à côté de souches atypiques. »
Les restrictions des tests figurent en toutes lettres sur les attestations délivrées par l’Afnor aux méthodes validées. L’an dernier, la DGAL a publié une note de service indiquant que les analyses réalisées dans le cadre de contrôles officiels doivent être réalisées au moyen de méthodes sans resctrictions. A l’image d’AES Chemunex ou Biokar, les fabricants de solutions de diagnostics ont réagi en introduisant de nouveaux tests étendus à la détection des salmonelles mobiles et immobiles (lire l'encadré ci-dessous).
(1) SCL – Service à compétence nationale du ministère de l’Économie et du ministère du Budget, créé le 1er janvier 2007.
Les fabricants des méthodes de détection réagissent
AES Chemunex. Tout en maintenant dans son offre la méthode SMS limitée à la détection des salmonelles mobiles, AES Chemunex lance le milieu chromogène Ibisa (photo ci-dessus) étendu à la recherche des salmonelles mobiles et immobiles en 48 heures, enrichissement inclus. Ce nouveau test validé Afnor sans restriction détecte les estérases produites par les salmonelles éventuellement présentes dans l’échantillon, avec un protocole qui débute par une étape d’enrichissement en eau peptonnée tamponnée (et ajout de suppléments) suivie d’une phase d’incubation pendant 16 à 20 heures. Après isolement de 10 ml d’essai sur le milieu de culture, les tests sont placés en incubation pendant une période de 24 heures à 37 °C.
Les colonies de salmonelles apparaissent en vert sur le milieu de couleur jaune tandis que les colonies de bactéries autres que salmonelles développent une coloration rose à pourpre. AES Chemunex maintient à son offre le milieu de culture SMS auxquels plusieurs laboratoires restent fidèles. « Etant donné la faible prévalence des salmonelles immobiles, certains de nos clients ont choisi de ne pas changer leurs habitudes et de continuer à utiliser la méthode SMS qui est extrêmement fiable pour la détection des souches mobiles », justifie Christophe Gincheleau, responsable des méthodes de microbiologie traditionnelle.
Biokar pour sa part introduit le milieu chromogène Iris Salmonella permettant la détection des souches mobiles et immobiles en moins de 40 heures. En cours de validation Afnor, le test est ouvert à l’analyse des produits d’alimentation humaine et animale ainsi que des échantillons de l’environnement.
Biorad offre le milieu Rapid Salmonella pour la détection des salmonelles mobiles et immobiles en 38 heures. Cette solution de diagnostic, qui détecte les estérases produites par les salmonelles éventuellement présentes, est validée Afnor sans restriction. « Au départ, nous avions développé un test qui donnait un résultat en 3 jours. Nous avons l’an dernier revu notre concept pour proposer une méthode en moins de 2 jours », indique Yannick Bichot, chef produit. Egalement remanié pour une plus grande facilité d’utilisation, le test est fourni avec des suppléments colorés qui facilitent le suivi des différentes étapes de l’analyse. Il est disponible dans plusieurs formats dont une solution de semi-automatisation adaptée aux laboratoires réalisant un grand nombre d’analyses.
Biomérieux. Du côté des méthodes immuno-enzymatiques, Biomérieux lance le test Vidas SPT de détection des salmonelles en 24 heures. « Nous proposions jusqu’à présent des solutions en 48 heures », explique Josiane Barillet, chef de produit gamme pathogènes. Le nouveau test, basé sur une capture des germes par des protéines recombinantes de phages, utilise une technologie que Biomérieux employait déjà pour une méthode de détection des Escherichia Coli O 157: H7. Le test Vidas SPT recherche deux antigènes caractéristiques des salmonelles: l’un flagellaire, l’autre somatique. « On capture le germe par deux moyens pour être certain de détecter toutes les salmonelles, y compris celles fragilisées par la perte d’une ou deux flagelles », souligne Josiane Barillet. La méthode est en cours de validation Afnor.
Autres fournisseurs. Au total, il existe 28 méthodes alternatives de détection des salmonelles validées Afnor. Parmi les fournisseurs : ADN Nucléis, Applied Biosystems, Biocontrol Systems, Europrobe, Pall Gendisc, Oxoid, DuponQualicon, Rayal, RBiopharm,Tecra.