La sélection génomique se généralise
«Une révolution génétique est en route chez les bovins laitiers. Elle va s'étendre à toutes les filières», a annoncé mercredi Didier Boichard, chef de département à l'Inra de Jouy-en-Josas. Intervenant au premier congrès de l'interprofession France Génétique Elevage, le chercheur a fait le point sur la génomique et son apport en matière de sélection. Cette nouvelle méthodologie consiste à « lire » l'ADN des animaux pour deviner leur valeur génétique. Le génome bovin divulgue 3 milliards d'informations sur la corpulence, la santé, le potentiel de l'animal. Actuellement, 54 000 données suffisent à prédire l'avenir.
Les conséquences de la génomique sont nombreuses. La sélection devient indépendante d'une mesure du phénotype sur les candidats ou leurs descendants. Elle peut donc être précoce, réduisant fortement l'intervalle de génération. Le progrès génétique s'en trouve accru. La sélection reposera davantage sur les phases amont des programmes, les moins coûteuses et les plus précoces et le testage planifié, tel qu'on le connaît aujourd'hui, est sans doute voué à disparaître. « Des perspectives énormes sur de nouveaux caractères sont par ailleurs ouvertes », a souligné Didier Boichard. Alors que la sélection classique nécessite une collecte préalable des génotypes à grande échelle, phase coûteuse et limitée aux caractères les plus importants, la sélection génomique pourrait se contenter d'un noyau phénotypé de quelques milliers d'individus, ouvrant la voie à des dispositifs spécialisés sur des phénotypes complexes.
Si la sélection génomique est déjà appliquée chez les bovins laitiers, elle devrait émerger dans d'autres filières. La disponibilité des outils moléculaires était la contrainte essentielle par le passé. Mais le séquençage d'un nombre croissant de génomes d'espèces d'élevage se traduit par la disponibilité présente ou prochaine de puces de génotypage efficaces. Des puces standardisées de 50 000 à 60 000 SNP (single nucleotide polymorphisms) sont actuellement proposées pour la vache, le cheval, le porc, le poulet et le mouton.
Qualité de la viande
Le coût du génotypage représente un facteur essentiel de l'intégration de cet outil en sélection. Chez les bovins laitiers, il est raisonnable par rapport à la valeur d'un reproducteur. Dans d'autres filières, y compris les bovins allaitants et surtout les petits ruminants, cette contrainte apparaît beaucoup plus limitante. L'utilisation dépendra sans doute d'une baisse du coût du génotypage. Dans bien des filières, le coût de la sélection classique demeure réduit. La supériorité de la génomique est loin d'être acquise, du moins avec les objectifs de sélection actuels, qui nécessitent un phénotypage simple et peu onéreux. «Au prix d'un accroissement du coût du programme, la génomique peut apporter des solutions à des problèmes non résolus à ce jour, comme la sélection de caractères difficilement mesurables comme la qualité de la viande ou la résistance aux maladies», a insisté le chercheur.