La saga Lactalis
L’extrême discrétion de la famille Besnier est un phénomène unique pour une entreprise de la taille de Lactalis, n° 2 mondial dans le « lait, rien que le lait, mais tout le lait ». Des chiffres au compte-gouttes et aucune intervention publique de la famille, pourtant propriétaire à 100 % du géant laitier ; à tel point que les rédactions ne disposent d’aucune photo de l’héritier de la famille, Emmanuel Besnier, 37 ans. Pour beaucoup, et notamment pour la presse, l’entreprise mayennaise a donc été incarnée pendant plus de 15 ans par son directeur général, Marcel Urion, qui compensait l’effacement de la famille par sa large stature et son verbe haut. Autant dire que le récit de la saga Lactalis par ce cadre parti de Bongrain en claquant la porte pour rejoindre son concurrent, était attendu avec un certain intérêt. Retiré de la gestion de l’entreprise -il a abandonné toute activité au sein du groupe en décembre 2007-, Marcel Urion ne livre guère de scoops au journaliste Matthieu Noli sur l’étonnante aventure économique et humaine de l’entreprise lavalloise. Le petit livre est essentiellement factuel, même si le dirigeant s’autorise quelques appréciations personnelles sur les principaux événements qui ont jalonné la vie de l’entreprise, comme les ravages causés par le lancement de Cœur de Lion par l’ULN en 1990 « qui nous a mis un grand coup de pied dans le derrière », ou sur ceux causés par les affaires de listeria dans le brie pasteurisé aux Etats-Unis en 1986 ou sur le camembert Lepetit en 1999. Une dernière affaire que l’ancien directeur général de Lactalis a eu manifestement du mal à digérer. Le ministère de la santé (dirigé à l’époque par Bernard Kouchner, secondé par Martin Hirsch, ça ne leur a pas causé grand tort à eux) « voulait prouver son attachement au principe de précaution à tout prix, qu’elle qu’en soit la victime. Malheur aux vaincus », se désole Marcel Urion, qui rappelle que la contre-expertise s’était alors révélée négative. L’affaire Lepetit aurait pourtant inspiré, selon lui, le choix de l’entreprise de sortir du camembert AOC « au lait cru » quelques années plus tard.
La saga Lactalis Marcel Urion, Matthieu Noli Les éditions du Bottin Gourmand www.bottingourmand.com, rubrique livres 5 euros