La guerre des prix aura bien lieu
Deux mois et demi après une annonce faite à grand fracas médiatique, l’accord sur la baisse des prix va enfin se traduire dans les linéaires des grandes surfaces. Si les modalités d’application restent encore floues à ce jour, les distributeurs ne se sont par contre pas privés d’annoncer « l’événement» à grand renfort de communications publicitaires. Le matraquage s’étale à longueur de page dans les quotidiens nationaux et sur les panneaux d’affichage, promettant aux consommateurs de substantielles économies.
L’accord, signé le 17 juin après deux semaines de négociations entre distributeurs et industriels, faisait écho à la volonté de Nicolas Sarkozy d’augmenter le pouvoir d’achat des Français.
Petite baisse, grosse publicité
Si la baisse des prix des produits de grande consommation n’est fixée qu’à 2%, financée à parts égales entre les fabricants et les grandes surfaces, l’objectif initial demandé par le ministre de l’économie était tout autre, puisqu’il demandait une diminution des prix des PGC de 3% de juin à septembre, baisse assortie de 2% supplémentaires de septembre jusqu’au 1er janvier 2005. Soit 5% de baisse au lieu des 2% finalement négociés. Si minimes qu’elles soient, les réductions sont en tout cas mises en avant par les enseignes, qui, attitude paradoxale, n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin après avoir refusé les propositions initiales de M. Sarkozy.
Chez Auchan, on veut « faire mieux » : la baisse des prix sur les marques nationales s’accompagne de 25% d’économies sur plus de 100 produits Auchan... si vous possédez la carte Auchan. Intermarché ne propose rien de moins que les « 1000 produits de grandes marques les moins chers de France», exemple de prix à l’appui. Mais la cacophonie tient aussi aux différences d’application de cette fameuse baisse de 2%, dont seules ses grandes lignes ont été fixées par l’accord du 17 juin.
Si Leclerc se targue de répercuter la baisse sur tous les produits de grandes marques, y ajoutant des réductions plus poussées sur certains d’entre eux, la tendance est plutôt aux baisses conséquentes mais ciblées sur un faible nombre de produits.
Carrefour applique pour sa part une baisse des prix sur 3 000 produits de grandes marques, pouvant aller jusqu’à 30 % (ex : riz basmati -21 %, Danette -14 %, petits pots Nestlé recette hachis parmentier -16 %). « Moins 2 % sur tous les produits n’avait pas de sens, d’où la modulation. Les produits concernés par la baisse sont très significatifs » explique Daniel Bernard, p-dg de l’enseigne. Partant d’une louable intention, cette baisse risque de brouiller encore plus les consommateurs si l’on y ajoute le maquis des cartes de réductions et promotions exceptionnelles déjà existant. Pour certains, les esprits sont plutôt « tournés vers la rentrée des classes», comme le confirmait hier une cliente interrogée au Auchan de Gallieni, en région parisienne.
Chez Monoprix, l’affichage extérieur n’est d’ailleurs consacré qu’à la rentrée, sans faire mention de la baisse des prix. C’est une fois rentré dans le magasin que le consommateur se trouvera face à de telles publicités. Et pas de grosse surprise en vue : on se contente simplement « de mettre en place ce qui a été prévu» déclare Bernardo Sanchez-Incera, directeur général exécutif de Monoprix. Soit une baisse de 2 % des PGC, sans autre ristourne.
Hier, lors du coup d’envoi de la baisse des prix, l’ensemble des distributeurs semblait prêt. Mais dans les derniers jours précédant son entrée en vigueur, les discussions étaient encore âpres avec certains industriels récalcitrants. Pointés du doigt par l’infatiguable Michel-Edouard Leclerc, les Lindt, Kronenbourg, Nestlé Aquarel et autre Moët & Hennessy refusaient encore il y a peu de baisser leurs tarifs. Mais la plupart d’entre eux ont finalement cédé, ne souhaitant pas faire bande à part, et craignant surtout de perdre quelques précieuses parts de marché.
Des consommateurs assez sceptiques
Les raisons de ce ralliement tardif sont multiples et diffèrentes selon les marques. Cadbury France explique avoir voulu mener des études consommateurs pour déterminer la meilleure démarche à adopter, entre la baisse générale de 2 % ou des baisses plus ciblées et conséquentes. Kronenbourg, par l’intermédiaire de son directeur de la communication Vincent Rattez, déclare pour sa part « ne pas encore être parvenu à un accord. Mais ce n’est qu’une question de semaines » selon le brasseur, qui réfléchit à une baisse sur quelques marques accessibles au grand public, qui permettrait de « lutter contre le développement du hard discount ». Dans tous les cas, les consommateurs, assez sceptiques sur l’impact réel de ces mesures, devront se dépêcher de profiter des promotions offertes. Car l’accord du 17 juin, qui expirera à la fin de l’année, pourrait bien être sans lendemain.