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Chronique
La force majeure ne peut pas tout

La Cour de cassation a rendu le 25 novembre 2020 son premier arrêt interprétant les dispositions de l’article 1218 du Code civil relatif à la force majeure. Un arrêt instructif plusieurs mois après la pandémie de Covid-19 qui est venue perturber les relations contractuelles.

Didier Le Goff, avocat
Didier Le Goff, avocat

Depuis le 1er octobre 2016, une refonte du droit des obligations est entrée en vigueur. Au sein de ce nouveau dispositif figure une nouvelle définition de la force majeure : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »

Ce texte est à rapprocher de son prédécesseur : « Il n’y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. »

On le voit, le nouveau texte met l’accent sur les conditions de formation du contrat : l’évènement invoqué au titre de la force majeure était-il prévisible ou envisageable lors de la conclusion du contrat, c’est-à-dire dans sa phase de négociation ?

L’on se souvient de ce que cette ouverture a fait couler beaucoup d’encre au printemps dernier, lorsque l'épidémie de coronavirus est venue brutalement entraver l’activité d’un certain nombre de professionnels.

Ménager la situation d’un débiteur

En revanche, la notion de force majeure a toujours eu, aujourd’hui comme hier, pour objectif de ménager la situation d’un débiteur. On objectera que dans un contrat synallagmatique, chacune des parties est, alternativement créancier puis débiteur ou débiteur puis créancier.

Pour exemple, dans le cas d’un séjour réservé par un consommateur auprès d’un hôtelier, le consommateur est débiteur de l’obligation de payer le prix convenu, mais créancier de la prestation promise. L’hôtelier, quant à lui, est créancier du prix convenu, mais débiteur de la prestation. On comprend ainsi que le jeu de la force majeure va nécessiter d’isoler les situations pour voir sur quoi a porté l’empêchement.

Se tourner vers la règle d’imprévision

C’est dans une situation de ce type que la Cour de cassation a rendu son arrêt du 25 novembre dernier.

Un couple réserve un séjour en cure thermale qu’il avait intégralement réglée au commencement de ladite cure, qui devait durer du 30 septembre au 22 octobre 2017. Malheureusement, quelques jours après ce commencement, Monsieur est hospitalisé à 130 km de distance. Madame le rejoindra quelques jours plus tard, quittant ainsi, elle aussi, la cure prématurément.

Les deux époux vont donc demander amiablement, en vain, le remboursement des sommes versées, avant de saisir le juge d’une demande de résolution du contrat et remboursement, en invoquant la force majeure. Oui, leur dit le juge. L’hospitalisation inopinée de Monsieur présente les caractéristiques d’imprévisibilité et d’irrésistibilité constitutives de la force majeure. Mais la Cour de cassation s’attache au texte de l’article 1218 précité. Et elle constate que les époux avaient intégralement rempli leur obligation de débiteurs au début du séjour en payant le prix convenu, de sorte qu’ils n’ont pas été entravés dans l’exécution de cette obligation.

C’est, en effet, en qualité de créanciers qu’ils ont été frappés par le sort, ce qui ne leur permet pas d’invoquer la force majeure. Pour rigoureuse que puisse être la position de la Cour de cassation, elle est strictement conforme au droit.

La question qui demeure est de savoir vers quel fondement se tourner en pareil cas. D’aucuns songeront à la règle d’imprévision, également entrée en vigueur en 2016, qui peut permettre une renégociation d’un contrat, voir une résolution par le juge, lorsque survient une circonstance imprévisible lors de la conclusion du contrat, qui en rend l’exécution trop onéreuse.

C’est une piste, mais ici aussi, la position de la Cour de cassation sera attendue.

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de vingt-cinq années, dont près de vingt ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire. Il a fondé, en 2018, avec quatre confrères de spécialités et barreaux différents, une plateforme dédiée aux segments de marché de l’agroalimentaire, parfums, fleurs et leurs produits dérivés : www.leschampsdudroit.fr.

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