La déstructuration des viandes devient quantifiable
« Comment peut-on qualifier un produit de « viande séparée mécaniquement » ? Bruxelles propose une définition. Mais, elle est interprétée différemment d’un pays à l’autre », déclare Jean-Philippe Coton, directeur général d’Histalim. Le laboratoire d’analyse histologique a mis au point une méthode permettant de quantifier le niveau de déstructuration des fibres musculaires dans une matière première carnée. Reste à définir le seuil au-delà duquel une viande doit être considérée comme VSM. Cela fait l’objet d’un projet européen. Histalim lance un appel à l’ensemble des acteurs du marché partout dans l’UE : producteurs, acheteurs, ainsi qu’institutions et associations. Les 11, 16 et 24 mai dans les locaux de l’Adiv Marketing à Paris, un panel d’analyse sensorielle, composé d’une quinzaine de personnes par date, sera réuni.
« Nous sommes les seuls à proposer une méthode répétable et quantifiable », souligne-t-il. Pour chaque échantillon, des coupes histologiques sont réalisées, et 150 images numériques sont acquises. Un algorithme d’analyse d’images permet de segmenter les différents tissus présents dans une matière première de type « viande gros grain » ou VSM. Enfin, les fibres intactes, les fibres en cours de déstructuration et les zones de déstructuration absolues sont distinguées. Il suffit alors de combiner les données issues de cette segmentation pour en déduire une valeur représentant le niveau de déstructuration de la matière première.
Analyse de routine
Cette méthode devrait permettre de proposer un outil fiable pour différencier en analyse de routine les viandes « gros grain » (ou viandes issues d’une séparation qui préserve l’intégrité de la fibre musculaire) des viandes séparées mécaniquement. Actuellement, seul le critère de « destruction ou modification de la structure fibreuse des muscles » définition de VSM dans le règlement européen 853/2004. est reconnu par Bruxelles comme élément caractéristique de la VSM. « La Commission européenne se base sur la déstructuration de la viande, sans donner des éléments d’appréciation, note Jean-Philippe Coton. Résultat, dans les nouveaux Etats membres, tout est considéré comme de la viande. A l’inverse, en Allemagne, toute viande récupérée mécaniquement doit être déclarée VSM. Les deux cas de figure sont dangereux pour le marché. »
Le dosage de calcium, couramment utilisé jusque-là pour caractériser les matières premières comme les VSM ou les viandes « gros grain », ne mesure en fait que l’altération des os, ce qui ne permettrait pas d’évaluer la conformité des échantillons par rapport à la définition de VSM, donnée par la réglementation européenne. Une autre méthode repose sur l’œil humain. Mais, elle donne une valeur difficilement reproductible. L’avantage de la solution proposée par Histalim est qu’elle quantifie de manière précise le niveau de déstructuration. Elle est automatique, répétable. Le délai nécessaire est d’une semaine, pour un prix de 150 euros.
Les participants au panel d’analyse sensorielle évalueront visuellement et par le toucher 27 échantillons types. Ces échantillons seront présentés par trois et il sera demandé à chacun d’établir un classement dans chaque assiette selon le niveau de structuration. Egalement, pour chaque échantillon, les membres du panel seront amenés à juger si le qualificatif de VSM peut s’appliquer. Pour la France, une quinzaine de personnes est prévue pour chacune des trois dates fixées en mai. « Tout le monde peut proposer sa candidature au panel, insiste Jean-Philippe Coton. Cela concerne non seulement les fabricants, mais aussi les acheteurs de matières premières, les industriels utilisant d’autres types de produits que les VSM, les associations de consommateurs, les directeurs Qualité en grande distribution, la DGCCRF et les autorités alimentaires. »
La méthode élaborée par Histalim peut faire l’objet d’un consensus européen. Dans le cas contraire, le risque est réel de voir considérer comme VSM l’ensemble des matières premières produites mécaniquement, quel que soit leur niveau de déstructuration, et ce pour l’ensemble des pays de l’UE.