La cuisine maison, une chance ou un leurre ?
Les Français retournent aux fourneaux, préoccupés par leur alimentation, poussés par la baisse du pouvoir d'achat, mais aussi stimulés par la multiplication des magazines, des émissions TV et des blogs sur la cuisine, selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc). L'engouement pour ces médias, mais également pour les cours privés de cuisine, s'explique parce que tous, et c'est récent, mettent en avant une « cuisine simple, rapide et pas chère », souligne Pascale Hébel, directrice du département consommation du Credoc.
Même la console portable de Nintendo a intégré le phénomène et propose aux adultes des recettes expliquées pas à pas. Pour les consommateurs français, savoir cuisiner permet d'abord « des repas variés » (48 % des personnes interrogées), ensuite de « faire des économies » (29 %), mais aussi de « bien recevoir ses proches pour dîner » (20%), voire de les « impression-ner » (2 %), selon une étude réalisée pour le marché de Rungis il y a quelques semaines. Seul 1% des personnes interrogées a répondu que savoir cuisiner ne servait à rien puisqu'« on trouve des plats surgelés partout ! ».
Le succès, ces dernières années, des machines pour faire du pain à domicile est une autre illustration de ce besoin du fait maison. « Après la montée du bricolage et du jardinage au début des années 2000, la cuisine devient un loisir valorisé dans les classes les plus aisées », analyse Pascale Hébel, car elles y voient un moyen de diversifier leur alimentation et un gage de convivialité. En revanche, pour les foyers plus modestes, la cuisine reste assimilée à « une corvée », surtout qu'ils y associent souvent la vaisselle et les courses, mais elle est source d'économie.
Pas une tendance durable, selon Boutboul
Autre indice de cette volonté de retour aux fourneaux, le baromètre 2008 des perceptions alimentaires, commandé par le ministère de l'Agriculture, montre que si elles avaient plus d'argent à consacrer à l'alimentation, 33 % des personnes interrogées « achèteraient plus de produits frais », contre 1% qui augmenterait ses achats de « plats préparés ».
D'ailleurs, le groupe agroalimentaire Fleury Michon a enregistré un chiffre d'affaires en hausse de 2,1% en 2008, grâce à la charcuterie, mais la gamme traiteur affiche un recul de 5,6 %.
Cette demande de savoir culinaire, le secrétaire général de l'Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (Adeic), Christian Huard, la constate quasiment au quotidien. Pourtant Bernard Boutboul, à la tête du cabinet Gira Conseil, spécialisé dans la consommation alimentaire hors domicile, « ne croit pas à un phénomène durable ». « On ne va pas se remettre à cuisiner, présage-t-il. Bien sûr il y a l'envie, le plaisir, mais pas suffisamment pour s'y remettre durablement ». Son cabinet avait interrogé des élèves de cours privés. Si à la fin des cours, ils semblaient enthousiasmés par la cuisine, « un mois après il n'en restait rien, explique M. Boutboul, faute de temps et souvent d'équipement ».