La crise alimentaire sur le terrain politique
Les appels se multiplient pour une réponse politique à la crise alimentaire. Lors d’une rencontre à Tokyo, les dirigeants du Japon et de l’UE ont fait part hier de leur inquiétude et ont réclamé des actions d’urgence pour aider les pays en voie de développement à vaincre la pauvreté. De son côté, Nicolas Sarkozy a annoncé sa participation au sommet sur la sécurité alimentaire, du 3 au 5 juin à Rome, à l’issue d’un entretien mardi avec le directeur général de la FAO Jacques Diouf. Les organisations agricoles sont aussi montées au créneau. Dans une déclaration commune, la FNSEA, Agriculteurs français et développement international (AFDI) et JA appellent à « mettre l’activité agricole au centre des politiques publiques internationales ».
Les raisons de la crise sont connues. Jacques Diouf les a rappelées hier à Paris devant la presse : une offre affectée par le changement climatique, des stocks au plus bas, une demande en augmentation, le tout exacerbé par la spéculation financière.
Une moblisation contre le « tsunami silencieux »
« C’est le résultat de politiques inappropriées depuis une vingtaine d’années, a ajouté le directeur de la FAO. Entre 1990 et 2000, l’aide alimentaire a été réduite de moitié. Les soutiens et conditions tarifaires des pays riches ont découragé l’agriculture des régions les plus pauvres. Mais surtout, il n’y a pas eu d’investissement pour la maîtrise de l’eau dans les pays du tiers-monde, pour les routes, les moyens de stockage. »
Le Programme alimentaire mondial (Pam) a appelé à une mobilisation internationale contre le « tsunami silencieux »que constitue selon lui la crise alimentaire mondiale, au coeur d’un mini sommet mardi à Londres à l’invitation du Premier ministre Gordon Brown. A l’issue de cette rencontre avec le Pam et plusieurs organisations internationales, le gouvernement britannique s’est engagé à « travailler avec le G8 à une stratégie internationale »,et à « revoir son approche sur les biocarburants ». Londres veut également « obtenir un accord à l’OMC comprenant un volet aide contre commerce important pour aider à renforcer les capacités des pays les plus pauvres ».
Les négociations à l'OMC sont aussi au cœur d'une lettre ouverte de la Fédération nationale bovine (FNB). « Il faut reconnaître le droit à l'indépendance alimentaire des pays, ce qui nécessite en premier lieu le maintien de droits de douane régulateurs des importations. (...) Nier le besoin de mécanismes efficaces de régulation publique et démanteler les soutiens serait manquer à des responsabilités politiques cruciales vis-à-vis des consommateurs et de l'équilibre économique. La stricte logique libérale va ainsi aboutir sous peu à la disparition, irréversible, d'une large part de la production de viande bovine, en crise », peut-on lire.
Il faut redéfinir les politiques agricoles
Dans leur déclaration commune, la FNSEA, Jeunes Agriculteurs et AFDI appellent à une « nécessaire redéfinition des politiques agricoles ». Les trois organisations souhaitent voir les instances françaises, européennes et internationales « s'engager concrètement dans le développement des agricultures familiales paysannes, qui reste un des principaux leviers de lutte contre la pauvreté ».