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La Chine entre restructurations et importations laitières

Eldorado de l’industrie laitière mondiale, l’empire du Milieu fait actuellement l’objet de bien des convoitises, et restructure fortement sa filière laitière sous la pression des importations. Quel est le devenir de ce marché ? Analyse avec Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage.

© R.d

 

Sept ans après son éclatement en 2008, le scandale de la mélanine continue de marquer l’histoire de la production laitière chinoise. Alors que celle-ci avait connu une croissance fulgurante à partir des années 2000, cette crise qui a coûté la vie à six nourrissons et en a intoxiqué près de 300 000 a donné un coup de frein à la production laitière locale et ouvert grand les portes aux importations. Jean-Marc Chaumet, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage, chiffre les importations de poudres grasses en 2014 à 670000 tonnes soit 15 fois le niveau de 2008, celles de poudres maigres à 252000 tonnes soit 4,5 fois celles de 2008 et celles de poudres de lactosérum à 400000 tonnes soit deux fois laiplus qu’en 2008. Avec 123000 tonnes en 2014, les importations de préparations pour nourrissons ont été multipliées par trois et la Chine a importé 286 000 tonnes de lait liquide, produit dont les importations étaient presque inexistantes précédemment. En plus de la hausse des exportations, le scandale de la mélanine a eu des conséquences sur la structure des exploitations.

 

LA DISPARITION DES PETITS ÉLEVAGES

« Les grosses exploitations explosent », souligne Jean- Marc Chaumet qui précise que les exploitations laitières de plus de 1 000 têtes regroupaient en 2012 près de 15 % des vaches laitières (contre 3 % dix ans plus tôt) et les exploitations de plus de 100 têtes rassemblaient plus de 37 % des vaches laitières (contre 12 % dix ans plus tôt). Aujourd’hui, 45 % des vaches sont logées dans des exploitations de moins de 20 vaches contre 75 % en 2002. Les autorités chinoises considèrent que dans les petites exploitations « on ne sait pas ce qui s’y passe ». Elles privilégient donc les « grosses » exploitations (jusqu’à 40 000 vaches) avec des salariés formés, susceptibles, selon elles, de garantir une meilleure sécurité sanitaire. Une directive gouvernementale précise même que les entreprises laitières chinoises doivent s’approvisionner à hauteur de 70 % auprès d’exploitations sous leur contrôle ou de livreurs exclusifs. De ce fait, les industriels laitiers tels que Mengniu,Yili créent des filiales spécialisées élevage ou passent des accords avec des entreprises de production laitière. Cependant, la création de ces grosses unités ne compense pas le départ massif des petits producteurs entraînant une stagnation de la production laitière chinoise entre 2010 et 2014 autour de 37 millions de tonnes tandis que le nombre de petits producteurs diminue à 1,5 million contre 2,1 avant la crise de la mélanine. Si le 11e plan quinquennal affiche une ambition à 50 millions de tonnes produites en 2015, pour Jean-Marc Chaumet, « on n’y sera pas ». La Chine connaît depuis mi- 2014, une grave crise de production laitière. Fin février 2015, le prix moyen dans les dix premières provinces productrices était de 3,43 yuan/kg contre 4,3 yuan un an plus tôt. Cette chute des prix accélère la disparition des petits éleveurs, continue de freiner la croissance de la production tout en favorisant un modèle hors sol très exigeant en capitaux et en importations de fourrages (soja/foin).

 

LA CRISE DE 2014 ET LES RESTRUCTURATIONS

Depuis le scandale de la mélamine et l’augmentation des importations, les autorités chinoises ont durci les conditions de renouvellement des licences des entreprises laitières. En 2014, les entreprises présentes sur le territoire chinois et fabricants des poudres de lait ont dû se mettre en conformité avec de nouvelles réglementations. Elles étaient 128 en 2013, seules 82 ont reçu une nouvelle licence de production valable jusqu’en 2017.

Le gouvernement chinois a également décidé de restructurer à marche forcée le secleteur des poudres de lait infantiles en incitant les entreprises à procéder à des fusions acquisitions pour disposer d’entreprises d’envergure nationale, capables de lutter à armes égales avec les géants internationaux. Le projet est de faire émerger dix sociétés avec un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards de yuans (240 millions d’€) en 2015, occupant 65 % des parts de marché et trois à cinq entreprises avec un chiffre d’affaires de plus de 5 milliards de yuans (600 millions d’€) en 2018. Plusieurs fusions seraient en cours ou ont déjà eu lieu, comme le rachat de Guanshan par Feihe, celui de Yashili par Mengniu ou encore de Yingke par Biostime. Mais plusieurs experts estiment que cette concentration des entreprises ne suffira pas à améliorer l’image des marques chinoises et leurs parts de marché.

 

DES PLACES À PRENDRE POUR LES ÉTRANGERS

Exporter, investir en Chine ou dans son propre pays en collaboration avec des Chinois. Pour s’affirmer sur ce grand marché, les entreprises étrangères ne négligent aucune possibilité. Les exportations néozélandaises représentent 90 % des achats chinois de poudres grasses, elles bénéficient de droits de douane réduits danssecle cadre d’un accord de libreéchange (ALE). Afin de diversifier ses approvisionnements et de contenir les prix, la Chine vient de conclure un ALE avec l’Australie, accordant aux exportateurs australiens les mêmes avantages qu’aux néozélandais. Les États-Unis et les pays européens sont plus présents sur la poudre de lactosérum et le lait liquide. Le marché des poudres de lait infantiles est à plus de 50 % le fait des marques étrangères. De plus en plus d’investisseurs s’intéressent à la production considérée comme un secteur stratégique. Dans le dernier numéro de Chine_Abcis(1), Jean Marc Chaumet cite des investissements chinois ou asiatiques notamment le fonds d’investissement créé par le fondateur d’Alibaba et Citic PE qui ont annoncé mi-2014 consacrer 2 milliards de yuans (250 millions d’euros) pour la prise de contrôle de la filiale élevage du premier groupe laitier chinois. Le fonds asiatique RRJ, capital basé à Hong Kong, a investi 1,5 milliard de yuans soit 190 millions d’euros fin 2014, dans la filiale élevage du 3e groupe laitier chinois Bright dairy. Du côté des investissements occidentaux, on peut citer les prises de participation de Danone et d'Arla dans Mengniu, de Fonterra dans Beingmate et la création de fermes laitières par Fonterra et Nestlé. Enfin, conscients de la difficulté à produire sur place, les Chinois investissent de plus en plus dans le monde : en Europe (France, Irlande Pays-Bas) mais aussi en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis.

 

(1) Chine_Abcis, lettre de veille et d’analyse de l’économie de l’élevage en Chine. 80 euros par an/4 numéros ; technipel@idele.fr; www.abcis.com

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