La baisse des prix met à mal la filière
L’ensemble des acteurs de la filière laitière est touché de plein fouet par la chute vertigineuse des cotations des produits industriels laitiers, que ce soit celle du lactosérum, de la poudre de lait ou du beurre. Selon la plupart des observateurs, cette crise est inédite par son ampleur mais également par sa durée. En 2008, deux grands groupes laitiers français, Bel et Bongrain, ont vu leur résultat net reculer respectivement de 48,4 % et de 76,5 %. Quant à Entremont Alliance, le groupe assumerait actuellement une perte de l’ordre de 40 millions d’euros. Bénéficiaire en 2007, Eurial atteint à peine l’équilibre en 2008. C’est la conséquence de la dépendance plus ou moins forte de ces entreprises aux coproduits laitiers. Elles ne peuvent pour le moment que subir cette situation, malgré l’aide des outils de régulation de la Commission européenne (intervention et restitution à l’exportation). Pour dégager leurs stocks coûteux en trésorerie, elles tentent d’activer tous les débouchés possibles, tant en consommation humaine vers les industries agroalimentaires qu’en alimentation animale, mais la demande est très faible sur ces deux marchés. « Pour le moment, nous subissons et nous faisons feu de tout bois. Mais quoi que nous fassions, la valorisation est actuellement très faible et ne couvre pas les frais de transformation. Notre handicap reste que nous perdons de l’argent en produisant des coproduits », indique Bertrand Rouault, directeur produits industriels d’Eurial.
Le marché des PGC enregistre également de faibles performances et les entreprises se trouvent obligées de produire davantage de coproduits laitiers, la collecte de lait ayant continué sa progression.
Effet domino
« Nous perdons tous beaucoup d’argent. Si nous pouvions les jeter, nous le ferions, mais les contraintes réglementaires nous en empêchent. Les Américains le font, leurs contraintes réglementaires sont moins importantes », note Bertrand Rouault. L’offre de produits industriels a ainsi progressé sans trouver de débouchés, laissant les entreprises avec des stocks conséquents. Toutes les entreprises n’ont pas le savoir-faire ni la capacité financière de sortir des produits basiques pour se tourner vers des produits industriels à plus forte valeur ajoutée. Et la valorisation sur les PGC (produits grande consommation) est bien difficile. « Quand les prix des produits industriels sont extrêmement bas, il y a un effet domino sur les autres marchés des produits de grande consommation. Cela s’observe sur tous les produits laitiers premiers prix, que ce soit les plaquettes de beurre, l’emmental ou encore le camembert. Chacun cherche à garder ses parts de marché et la concurrence est rude sur les prix », observe André Dubuisson, ancien président de Beuralia, devenu président de Nutribio, la joint-venture née le 1 er janvier 2008 entre Sodiaal Industrie et Cofranlait, filiale d’Entremont Alliance.
Des exportations au point mort
Pour ajouter aux difficultés, les Européens ont été en concurrence frontale en 2008 avec la Nouvelle-Zélande et les états-Unis. « Nous ne vendons plus rien à l’export », note Jean-Paul Barré, nouveau directeur commercial d’Eurosérum, à propos de la poudre de lait écrémé. La Nouvelle-Zélande, qui a eu une collecte laitière très importante cette année, a été particulièrement agressive sur les marchés mondiaux pour écouler ses stocks, prenant des parts de marché aux Européens, moins compétitifs sur les prix. Le pays a perdu son débouché principal, la Chine, dont la demande a reculé du fait de la crise économique et de celle de la mélamine. « La Nouvelle-Zélande a en plus baissé fortement le prix du lait, payé aux producteurs de 7,8 dollars néo-zélandais le litre à 5,10 dollars environ », explique Jean-Paul Barré. Et les perspectives pour 2009 ne semblent pas des plus optimistes.