IAA : « les industriels sont assez inquiets »

LM : Le Sial 2008 s'est ouvert dimanche dans une drôle d'ambiance entre crise financière et baisse de la consommation. Comment se porte le moral de vos adhérents en cette période troublée ?
Jean-René Buisson : Il n'y a pas de morosité mais les industriels expriment une certaine inquiétude en particulier sur ce qui se passe dans le système bancaire. Une majorité de PME font appel aux crédits. Or on assiste aujourd'hui à un blocage assez net et à des demandes de garanties toujours plus importantes, y compris sur les biens personnels. Même si les entreprises présentes au Sial, plutôt tournées vers l'export, sont moins concernées, les IAA dans leur ensemble sont touchées par la hausse des matières premières, les relations GMS-fournisseurs tendues en France et la consommation globale en baisse, pour la première fois depuis de nombreuses années. Le consommateur arbitre son budget vers des produits moins chers. Les produits à marque « solides » ne souffrent pas forcément. Mais pour les produits à faible valeur ajoutée, le consommateur fait le choix du 1 er prix.
LM : Quand les volumes baissent, les industriels ont souvent tendance à monter leurs tarifs, mais cette année la grande distribution ne semble pas vouloir jouer le jeu. Comment se passe le début des négociations commerciales ?
J-R B : Pour l'instant, la pression est très forte. Les distributeurs, Leclerc en tout cas, ont dit qu'ils refuseraient des hausses supérieures à 2%.
LM : Qu’en est-il de l’application de la loi de modernisation de l’économie ?
J-R B : Nous sommes assez inquiets sur la question de l’application et l’interprétation de la LME (loi de modernisation de l’économie). Des dérives importantes sont déjà constatées. Les distributeurs refusent pour l’instant qu’on leur présente les conditions générales de vente. Nous ne sommes plus dans l’esprit de la loi où la primauté des CGV demeure. Nous allons vite faire remonter ce qui vient des entreprises pour intervenir auprès de la DGCCRF.
Les négociations commerciales s’annoncent d’autant plus tendues que les distributeurs considèrent que les cours des matières premières sont en baisse. Pour nous, la volatilité des prix est toujours très grande. Si on avait la possibilité de baisser les prix par répercussion significative, on le ferait. Mais il y a toujours un temps de latence de 6 à 8 mois pour que les prix des produits finis baissent, et encore faut-il que la baisse soit constante sur les matières premières.
LM : Certaines entreprises, Alpina Savoie dans les pâtes par exemple, ont eu du mal à encaisser ces hausses de matières premières. Avez-vous une possibilité à l’Ania d’éviter que ce type de difficultés se reproduise ?
J-R B : La meilleure possibilité, c’est d’établir la vérité sur les prix, d’expliquer que les entreprises prennent sur leurs marges. Des marges qui pour les PME et TPE du secteur sont très faibles : entre 0,5 et 1,5 %. Pour les mois qui viennent, la façon dont les distributeurs vont se comporter sera déterminante.
LM : De nouveaux groupes constitués dans le domaine de la viande (Bigard-Socopa) se trouvent renforcés face à la distribution, mais les PME ont-elles le pouvoir de résister à la pression ?
J-R B : Si elles se situent sur des niches importantes, elles peuvent maintenir leur place en rayon. Mais nous sommes de plus en plus persuadés qu’à l’avenir il n’y aura de place que pour le leader, le n° 2, la MDD et le 1 er prix. Les marques en troisième, quatrième et cinquième position disparaîtront.
LM : Aux PME d’être innovantes, mais comment faire si l’accès au crédit se bloque ?
J-R B : Toute la question est de savoir comment on remet la circulation du sang dans cette thrombose bancaire pour ne pas bloquer les entreprises.
LM : Concrètement que faites-vous en ce sens ?
J-R B : On a mis en place une cellule de veille, en étroite collaboration avec le ministère de l’agriculture. Notre but : suivre tout ce que nous remontent les entreprises, avec l’Urssaf et d’autres organismes. Mais nous allons aussi suivre la manière dont les 22 milliards d’euros de crédit, promis par le gouvernement, seront fléchés vers l’industrie agroalimentaire.
LM : Dans ce contexte de baisse de la consommation, la menace des taxes nutritionnelles qui s’est à nouveau précisée cet été, s’éloigne-t-elle ?
J-R B :Elle ne s’éloigne pas vraiment. La députée Valérie Boyer aurait des velléités de faire passer des amendements dans le projet de loi de finance de la sécurité sociale. Mais si c’est le cas, on hurlera, on ne se laissera pas faire.
LM : A propos de nutrition, où en est la création de la fondation « alimentation et vitalité », déjà devancée par la fondation d’entreprise Nestlé ?
J-R B : Ca a été long mais nous sommes en ordre de bataille. L’Institut Français de la Nutrition (IFN) va se fondre dans la fondation. Notre objectif maintenant est de réunir 3 millions d’euros par an.