Hausse des prix : la responsabilité des agrocarburants en question
La compétition entre le fuel, le feed (alimentation animale), le food et les fibres est accusée de faire flamber les cours des matières premières. Jean-François Loiseau, directeur de la commission biomasse de l’association générale des producteurs de blé (AGPB) récuse actuellement cette affirmation dans la presse agricole départementale http://www.agpb.com/fr/publication/presse_synd.asp. Il indique que la part de blé destiné aux biocarburants est tellement faible en France qu’elle ne peut être la cause de tous les maux, contrairement aux propos des utilisateurs. « Lors de la dernière récolte, en effet, seulement 20 000 ha de blé (et aucun en maïs) n’ont été affectés en France à cette utilisation. Au regard des 9 170 000 ha de céréales cultivés en 2006, il s’agit de surfaces extrêmement faibles, bien trop faibles pour qu’il y ait concurrence entre les utilisations alimentaires et non alimentaires de nos récoltes ». Les choses devraient être similaires tant en 2007 (100 000 ha de blé et de maïs pour l’éthanol) qu’en 2015 (430 000 ha selon les prévisions). Les 1 200 000 ha de jachère encore disponibles pour les cultures non alimentaires en France devraient, selon l’expert, suffire à couvrir ces besoins.
Faire rapidement un bilan
Jean-François Loiseau estime que les tensions sur les prix prennent racine dans les niveaux de stocks mondiaux extrêmement bas qui rendent nerveux tous les opérateurs surtout quand ils apprennent la fermeture des exportations ukrainiennes jusqu’aux 30 septembre. Selon lui, « dans pareille situation de régression des stocks, l’essor de l’industrie du bioéthanol aux États Unis n’arrange rien ». Elle a ponctionné 20 % de la récolte américaine de maïs durant la campagne 2006-2007 et devrait en absorber 25 % en 2007-2008. Et l’expert de conclure : « il n’est pas possible sur ce plan d’amalgamer la situation française et la situation américaine ».
Pourtant, les industriels de l’alimentation animale réunis la semaine dernière à Porto en congrès s’interrogent et s’inquiètent. Un de leurs invités, Fred Stevens, président de l’association internationale des fabricants d’aliments (IFIF) estime que 27 % du maïs américain seront consacrés au bioéthanol l’an prochain et « l’Usda estime qu’à 14,7 % le ratio des stocks sur l’utilisation pour 2006-2007, le plus bas niveau jamais atteint ». Pour lui « la tendance à la volatilité des prix est définitive et la compétition pour les utilisations des matières premières est désormais permanente ». Si l’on parle beaucoup du maïs éthanol (116 usines déjà en service aux USA et 81 en construction selon John Wray, président de l’United Soybean board international), les Américains pensent aussi biodiesel (105 usines en fonctionnement, 78 en construction ou en extension). « Je suis producteur de soja et je n’ai reçu aucune aide alors que le maïs en a reçu » souligne ce responsable. Les propos de Joao Onofre Gonçalvez (DG Agri) ne rassurent donc pas vraiment les fabricants d’aliments : « en raison des demandes notamment en Asie, il est clair que les prix resteront élevés. Les biocarburants ne sont pas la cause principale des prix élevés des commodités. J’estime que la concurrence entre l’énergie et l’alimentation devrait être stabilisée à l’horizon 2020 ». Une position à long terme qui s’oppose à celle de la Cesfac (association espagnole des fabricants d’aliments), un pays très dépendant des importations de céréales qui estime que le développement des biocarburants impose une telle concurrence sur les prix qu’elle est « susceptible de remettre en cause la viabilité économique des productions animales européennes. ». Selon la Cesfac, il est nécessaire que l’Union européenne effectue une analyse précise de l’impact des biocarburants sur l’agroalimentaire en général.