Grippe aviaire : des ratés dans la gestion de crise
Sous-évaluation de l’épidémie par les pays concernés, diffusion d’informations contradictoires par les organisations internationales, interventions catastrophistes de scientifiques pas toujours étayées : la gestion de l’épidémie de la grippe aviaire connaît depuis ses débuts de nombreux ratés. De quoi alimenter les inquiétudes des producteurs et transformateurs français qui constatent la méfiance croissante des acheteurs et craignent que ne se reproduise le « syndrôme» de l’ESB sur la consommation de volaille . Les couacs dans la gestion de cette crise sanitaire sont apparus dès la confirmation des premiers cas de l’épidémie dans le cheptel sud-coréen à la mi-décembre. Alors même que les abattages préventifs se multipliaient en Thaïlande et en Indonésie, les organisations internationales (Organisation mondiale de la santé animale -OIE- et Organisation mondiale de la santé -OMS-) ont tardé avant de signaler l’apparition, alors déjà très probable, de la maladie dans ces pays. Entre temps, la présence de la grippe aviaire avait été confirmée au Vietnam, au Japon et à Taïwan et la première victime humaine signalée au Vietnam.
Les organisations mondiales sans autorité
Estimant avoir été trompée, l’OMS a adressé hier de vives critiques aux pays de la région, les accusant d’avoir dissimulé l’ampleur de l’épizootie ou agi avec retard, afin de protéger leurs industries agroalimentaire ou leur tourisme. Si l’organisation internationale ne cite aucun pays en particulier, c’est la Thaïlande, 4e exportateur mondial de volaille et première destination touristique d’Asie du Sud-Est, qui semble le plus directement visée pour avoir mis des semaines à annoncer être touchée par la grippe du poulet. « Ce sont des considérations économiques qui ont dicté les parades de gouvernements tentant de s’assurer que les conséquences de la grippe aviaire seraient minimes», a indiqué hier Bjorn Melgaard, représentant de l’OMS en Thaïlande. « Ceci est compréhensible, mais il est plus important que des mesures suffisantes soient prises pour empêcher les hommes d’attraper la maladie», a dit le responsable de l’OMS.
Les remontrances de l’OMS ne semblent guère trouver d’écho dans les pays concernés. Alors que l’organisation lançait cette mise en garde, le Vietnam a annoncé hier qu’il abandonnait sa stratégie d’abattage de tous les poulets dans un rayon de trois kilomètres autour des foyers d’infection, estimant qu’elle était excessive et trop coûteuse pour l’industrie. Le ministre de l’Agriculture Le Huy Ngo a demandé aux 64 provinces et villes du pays, dont 57 sont concernées par l’épidémie, de ne plus détruire les volailles de manière systématique, sinon « il sera difficile pour le secteur de se remettre de l’épidémie». L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a indiqué que cette décision ferait « l’objet de beaucoup d’attention de la communauté scientifique à la FAO et à l’OMS». A ce jour la seule arme efficace contre la propagation du virus a été la destruction systématique des volailles dans, et près des foyers de contamination.
Si la responsabilité des pays concernés est donc manifestement engagée, les organisations internationales n’ont pas toujours paru très sereines, laissant filtrer des hypothèses ... pour les contredire quelques jours plus tard.
Des «hypothèses» aussitôt démenties
Ainsi de la possibilité d’une transmission de la maladie de l’homme à l’homme. La « possibilité» est évoquée dans un premier par un responsable de l’OMS le 1er février à propos du cas de deux soeurs décédées qui auraient été contaminées par leur frère. Quelques jours plus tard, la même organisation infirme l’hypothèse. Avant, lundi, d’indiquer qu’elle n’avait aucune certitude sur le sujet et que des tests supplémentaires devaient être effectués au préalable!
Un cafouillage de même nature a eu lieu parallèlement, mais cette fois entre deux organisations. Dans un premier temps, la FAO affirmait vendredi qu’une transmission du virus au porc avait été établie chez des cochons vietnamiens. Une information démentie quelques heures plus tard par un représentant de l’organisation mondiale de la santé qui indiquait « ne pas avoir de preuves suffisantes». D’ici au prochain démenti ?