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Eurosérum : « nous visons la valeur ajoutée »

Le PDG d'Eurosérum, leader mondial du lactosérum déminéralisé à destination du marché infantile (groupe Sodiaal), lève un pan du voile sur sa stratégie. Yves Rambaux indique ne plus vouloir faire « la course aux volumes », mais rechercher « la valeur ajoutée ».

LMH : La cotation de base du lactosérum en poudre est passée de 400-600 €/t sur la période 2000-06 à 1000 €/t l'an passé, selon une étude récente de FranceAgriMer(1). Le lactosérum est-il encore un coproduit ? N'est-il pas devenu un produit à part entière ?

Yves Rambaux : Non. Dans sa définition, le lactosérum reste un coproduit issu de la fabrication du fromage et qui a pour débouché final principalement l'alimentation animale. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, l'alimentation humaine tire le marché, principalement en Asie. Au démarrage de cette industrie dans les années 70, il s'agissait de valoriser une matière qu'autrefois on donnait à manger aux « cochons », et qu'il fallait traiter de façon industrielle, les fromageries ne sachant plus quoi en faire. Eurosérum est né à cette époque et la société a commencé à travailler sur le débouché des productions animales. Mais rapidement (1979), nous nous sommes tournés vers l'alimentation humaine. Sous la forme poudres de sérum non déminéralisées comme ingrédient pour du lait concentré très prisé en Asie du Sud-Est. Et en poudre après déminéralisation, notre spécialité aujourd'hui, pour élaborer des ingrédients destinés aux fabricants de baby food, partout dans le monde.

LMH : À quel niveau d'activité vous situez-vous aujourd'hui ?

Nous avons été les premiers à exporter du lactosérum en Chine

Y. R : Nous avons produit l'an passé 288000 t de poudres orientées à 80 % vers l'alimentation humaine. Nous sommes leaders sur le marché mondial des poudres de lactosérum déminéralisées destinées à l'alimentation infantile (30 % de parts de marché) et nous proposons une large gamme de poudres de lactosérum, d'ingrédients laitiers et de poudres de lait. Nous travaillons dans près de 80 pays et notre chiffre d'affaires de 520 millions d'euros (642 collaborateurs) est réalisé à 77 % à l'international dont 43 % sur les pays tiers. Notre croissance suit celle du marché ” mondial qui a été de 8 % l'an passé, et même de 12 % sur le seul marché chinois. Nous avons été les premiers à exporter du lactosérum en Chine, au tout début des années 90. Nous avons eu la chance de nouer une relation de confiance avec un importateur qui est resté notre partenaire. Cet importateur a depuis créé Synutra (fabricant de baby food en Chine). Il investit actuellement plus de 100 M€ en France pour sa future usine de baby food en Bretagne (Carhaix). Le groupe Sodiaal fournira à l'usine près de 300 millions de litres de lait par an, et 24000 t d'extrait sec de lactosérum déminéralisé qui seront produits par une unité Eurosérum spécialement construite à ses côtés.

LMH : Comment votre process est-il organisé ?

Y. R. : Nous achetons le lactosérum au prix de marché (cotation de base), soit dans nos fromageries (57 % de notre approvisionnement), soit à l'extérieur. Nous le préconcentrons sur place, sur membrane ou par traitement thermique, pour des raisons de qualité et de coûts logistiques, avant de l'acheminer vers nos usines de séchage (19 tours dans 12 usines). 10 litres de lait donnent 1 kilo de fromage à pâte pressée cuite (de type comté ou emmental) et 9 litres de lactosérum, constitué d'eau à 94 %. À réception dans nos usines, le sérum doux est écrémé et concentré, puis déminéralisé, pasteurisé, cristallisé, séché et enfin expédié en big bag de 1,2 t et sacs de 25 kilos.

LMH : Quels investissements consacrez-vous dans vos process ? Votre parc nécessite-t-il de lourds investissements ?

Y. R. : Le séchage du lait ou de lactosérum est une industrie lourde dont les usines ont une durée de vie de quarante à cinquante ans. On peut considérer que les premières usines construites en France ont cet âge là, et qu'il faut les renouveler. Le niveau d'investissement est conséquent, de l'ordre de 12 à 14 M€ par tour. Nous avons des tours anciennes et plus récentes, c'est notre héritage. Au tout début, nous avons travaillé avec une multitude de petites coopératives régionales avant d'intégrer Sodiaal en 1998. Notre développement industriel s'est fait par croissance externe dans les années 90 et surtout au cours de la décennie suivante. Lorsque Entremont a connu des difficultés à la fin des années 2000, nous avons dû freiner nos investissements. Depuis notre retour dans le giron de Sodiaal, nous investissons en moyenne 30 M€ par an dans nos usines.

Nous investissons en moyenne 30 millions d'euros par an

LMH : Quelles sont les options stratégiques choisies dans ces investissements ?

Y. R. : Par le passé, nos opérations de croissance externe étaient réalisées en fonction de la disponibilité de lactosérum dans la zone de collecte. Cette zone peut être large et déborder les frontières. Notre usine située en Espagne s'approvisionne en lactosérum d'Espagne et du Portugal. Celle située en Tchéquie achète du lactosérum localement ainsi que dans les fromageries de Pologne, Hongrie, Allemagne, Slovaquie. Les usines françaises collectent un peu partout dans le pays, ainsi qu'en Italie, Allemagne, Belgique et Suisse. Nous ne visons pas le capacitaire, mais la valeur ajoutée en travaillant à une plus grande élaboration de nos produits. Ces deux dernières années, nous avons réalisé d'importants investissements dans nos usines de Port-en-Saône (Haute-Saône, siège d'Eurosérum, ndlr), Saint-Martin de Belleroche et Bas-en-Basset. Il nous faut suivre les grands fabricants mondiaux de baby food pour conserver nos parts de marché dans un secteur en pleine croissance.

LMH : En procédant à la fusion avec le groupe coopératif 3A, Sodiaal a pris le contrôle de Bonilait-Protéines qui exploite 3 usines de séchage en propre (130 000 t de poudres de sérum). Comment son activité se positionne-t-elle vis-à-vis de la vôtre ?

Y. R. : Elle est très complémentaire. Bonilait-Protéines travaille principalement à destination des productions animales. C'est pour partie un fabricant d'ingrédients, mais il est également un producteur et un vendeur d'aliment d'allaitement (marque Univor notamment). Cette activité complète l'offre en poudres de Sodiaal, composée par ailleurs de Régilait (23 000 t de lait et poudres en concentré) et de Nutribio (32000 t de poudres et barres nutritionnelles). L'ensemble pèse 800 à 900 M€ de ventes dont 520 millions pour Eurosérum. Mais dans notre métier, ce n'est évidemment pas le chiffre d'affaires qui importe, tant les cotations peuvent fluctuer, mais la rentabilité. Et de ce point de vue, les résultats d'Eurosérum progressent.

LE MARCHÉ DU LACTOSÉRUM DANS LE MONDE

Dans une étude rendue publique en septembre dernier(1), France reprenait une estimation de la Fao selon laquelle la production de lactosérum en poudre au plan mondial se chiffrait, en 2009, à 100 millions de tonnes. L'UE-27 en a fabriqué 50 %, les États-Unis 20 %. Ces deux zones de production étaient à l'origine des trois quarts des échanges mondiaux. Les principaux acheteurs de lactosérum en poudre se situent en Asie, principalement en Chine (27 % des volumes échangés). En 2012, toujours de même source, l'empire du Milieu a importé 350000 t de lactosérum pour près de 550 millions d'euros de valeur. En volume, 47 % venait des États-Unis et 41 % de l'Europe à 27. Il s'agissait, côté américain, principalement du lactosérum brut utilisé en alimentation animale et dans certaines industries agroalimentaires. Un produit de moindre valeur que les lactosérums modifiés (déminéralisés, concentrés en protéines… destinés à la fabrication de lait infantile). Ils proviennent essentiellement d'Europe (France, Allemagne, Pays-Bas). Ce qui explique la différence de valeur entre les flux d'exportation américains (29 % des échanges mondiaux) et euro-péens (53 %), bien que les pre-miers soient supérieurs aux seconds. En Europe, poursuit l'étude, c'est la France qui caracole en tête des nations productrices de lactosérum en poudre.

(1) www.franceagrimer.fr/content/download/26218/220370/file/SYN-LAI-2Lactos…

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