Europe alimentaire : ce qui attend les industriels
L’Europe travaille actuellement sur plusieurs dossiers concernant l’alimentation. Du point de vue de la sécurité alimentaire sensu stricto, mais aussi de la loyauté des transactions (étiquetage) et de la santé (nutrition/obésité). Dans une atmosphère pacifiée après les grandes crises, la vigilance reste grande. De la mozzarella au lait de bufflonne contaminé à la dioxine aux huiles « enrichies » en produits pétroliers, des alertes subsistent, mais elles ne prennent plus la même ampleur. Les retraits et rappels de produits alimentaires sont désormais bien mieux admis par les citoyens européens. Les modalités de la vigilance, partagée entre les pouvoirs publics et les opérateurs depuis l’instauration du paquet hygiène, ne devraient pas évoluer.
En matière de procédures législatives, le processus de codécision Conseil/Parlement européen qui était peu utilisé avant la crise de l’ESB prévaut désormais sur tout sujet sanitaire, et devrait s’étendre à d’autres thématiques plus économiques. La procédure est longue car elle requiert des allers-retours qui peuvent s’étaler sur deux ans, et s’avère donc incompatible avec la gestion des urgences ou simplement quotidienne. Bénéficiant d’une délégation de compétence d’exécution par le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne s’appuie notamment sur les avis du CPCASA (Comité permanent de la Chaîne alimentaire et de la santé animale). Elle dispose aussi, seule, du pouvoir d’initiative pour proposer des nouveaux textes.
L’ESB reste très présente dans les travaux de la Commission. Très prudente depuis l’interdiction du recyclage intra-espèce des sous produits animaux (« cannibalisme ») par le règlement 1774-2002, elle vient cependant de relever le seuil de l’âge des animaux à trente mois pour le retrait de la colonne vertébrale à l’abattage. La vigilance reste de mise : les deux décès de personnes atteintes par la maladie de Creutzfeldt Jakob, en Espagne au début de ce printemps, viennent rappeler cette nécessité. L’hypothèse de la réintégration des farines animales dans les aliments pour animaux fabriqués en Europe n’est pas prévue à très court terme. Les avis scientifiques sont les seuls à pouvoir donner un feu vert sur un éventuel assouplissement. Ils sont bloqués aujourd’hui par les limites techniques de détection de la nature des espèces animales entrant dans la composition des farines.
La France, forte de son expérience avec l’Afssa, milite pour que chaque projet de texte soit soumis à l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments - AESA) afin que toute décision politique s’appuie sur les données scientifiques disponibles. Ce qui fait grincer quelques dents.
Autre dossier de la présidence française, l’équivalence des normes entre produits de l’UE et produits importés : faut-il par exemple autoriser l’entrée dans l’UE des volailles américaines, traitées au chlore à l’abattoir, alors que l’Europe privilégie la prévention des risques biologiques, chimiques ou physiques tout au long de la chaîne alimentaire ? La question des OGM reste également plus qu’ouverte…
Le poids croissant de la nutrition
Le poids de la nutrition devrait aussi aller croissant. Même si l’on ne peut à proprement parler d’une volonté de légiférer sur les prises alimentaires, le « nutritionnellement correct » s’affirme, s’appuyant sur les alarmes face à la montée de l’obésité. Aujourd’hui, la plupart des Etats Membres et la Commission sont persuadés de l’intérêt d’édicter des règles nutritionnelles et, surtout, de bien border les allégations-santé, considérées comme un vrai enjeu de santé publique. L’élaboration d’indicateurs est en cours.
L’étiquetage des aliments devrait être revu cette année, la dernière modification de la directive (qui a fait sauter la règle des 25 % en 2005 en imposant la mention de tous les ingrédients) ne satisfaisant pas tous les acteurs de la filière. Par contre, le débat public sur les antibiotiques dans la chaîne alimentaire ne fait pas encore l’objet d’avis scientifique qui pourrait motiver une proposition de texte. Idem pour la complexification des denrées alimentaires, pourtant montrée du doigt par les associations de consommateurs.
Enfin, la présidence française devrait se pencher sur les questions d’approvisionnement et de prix des aliments, face aux prix élevés des matières premières. Le taux de mise en jachère obligatoire, fixé à 0 % le 29 septembre dernier pourrait ainsi rester nul. La réforme du secteur des vins est finalisée depuis le 29 avril dernier, celle des fruits et légumes est applicable depuis le 1er janvier. Mais le bilan de santé de la Pac aura forcément des auras de sécurité alimentaire, l’actualité incite donc l’UE à revenir à sa fondation pour sécuriser l’approvisionnement de ses populations à un coût acceptable… (voir notre article d’hier).