Étiquetage des viandes : Bruxelles envisage trois pistes
Lors du scandale de la viande de cheval, les Européens ont découvert que de nombreux plats préparés, censés contenir de la viande de bœuf, étaient élaborés à partir de minerai de viande de cheval. Les tests ADN réalisés à cette occasion révélaient qu’en Europe 5 % de la viande contrôlée présentait des traces de viande de cheval. En France, ce chiffre était supérieur à 13 %, suscitant de plus fort émoi et demande de réaction politique. L’idée vint alors de rendre obligatoire l’étiquetage de l’origine des viandes dans les plats préparés, à l’instar de ce qui existe déjà pour la viande de bœuf fraîche non transformée. C’est donc à la Commission européenne qu’est revenue la tâche de plancher sur le sujet. Celle-ci vient de reporter la publication de son rapport, dans lequel elle s’apprêtait à proposer au Parlement et aux États membres trois axes.
Le premier permettrait aux producteurs et aux distributeurs de produits transformés à base de viande de faire figurer de manière volontaire la provenance de la viande. Une seconde option serait d’apposer sur ces produits transformés un label sur la provenance de la viande. Enfin, dans une troisième option, il s’agirait de faire figurer purement et simplement, sur l’étiquette, le pays d’où provient la viande. Cette proposition, (étude de faisabilité à l’adresse du Parlement et du Conseil) n’a pas l’heur de plaire à tout le monde, certains Eurodéputés, notamment français, ainsi que les ministres Benoît Hamon et Stéphane Le Foll, reprochant à la Commission de vouloir « enterrer » ce projet à travers un rapport sans portée pratique.
La Commission soupçonnée de vouloir enterrer le projet
La critique est audacieuse car, le plus souvent, le grief formulé à l’endroit de la Commission met en avant sa prétendue illégitimité à créer des normes. Or, il s’agit de réformer la réglementation d’étiquetage qui ne peut pas résulter de la seule Commission. Le Commissaire européen à la Santé et à la Politique des consommateurs
a d’ailleurs précisé à ce sujet que « la Commission ne renonce à rien et ne décide de rien ». La critique, et surtout la méfiance, à l’égard de la Commission sont tenaces, dès lors que ce même Commissaire européen avait indiqué, dès mars 2013, qu’il lui semblait que le scandale de la viande de cheval relevait plutôt d’une fraude que d’une lacune dans la réglementation. Et c’est là tout le problème. L’opérateur qui introduit volontairement dans des lasagnes sans l’étiqueter en conséquence, de la viande de cheval en lieu et place de la viande de bœuf, manque à l’un des principes fondamentaux en vigueur dans toute l’Europe, qui est l’obligation de loyauté à l’égard du consommateur, en commettant une tromperie.
La tromperie déjà sanctionnée par la loi
De tels comportements déviants sont sanctionnés pénalement avec toute la force de la loi. Cette force vient évidemment du caractère général du texte d’incrimination d’où s’infère sa faculté à appréhender des agissements très divers pour les faire rentrer dans une seule et même catégorie de pratiques prohibées. D’un autre côté, un renforcement des obligations d’étiquetage de l’origine des viandes peut ne rien changer à la constitution d’une tromperie ou d’une falsification de denrées.
Si renforcement il doit y avoir dans la réglementation en vigueur, c’est peut-être au plan de la traçabilité des viandes utilisées qui reste très largement un débat de professionnels. En revanche, adopter, une réglementation de circonstance pour appréhender un problème particulier risquerait d’apparaître comme une mauvaise réponse, qui, de surcroît, risquerait d’affaiblir les textes généraux du droit de la consommation prohibant la tromperie et la falsification spécialement destinés à régir ce type de comportement. Montesquieu ne disait-il pas déjà que « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » ?