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ENRICHISSEMENT DES ALIMENTS
ENRICHISSEMENT DES ALIMENTS - Des apports en calcium laitier ou minéral ?

Si la nécessité pour l’organisme d’apports calciques suffisants ne fait plus de doute, la question de l’enrichissement des aliments reste posée, en particulier pour ceux qui ne sont pas issus du lait. Tout comme celle de l’apport de calcium sous forme de compléments alimentaires.

© J.-C. GUTNER

Vérifier si un régime sans produit laitier peut permettre de couvrir les besoins en calcium, tel était l’objet d’un récent article rédigé par Léon Guéguen, directeur de recherches honoraire Inra, pour le Cerin(1). Car la biodisponibilité du calcium des aliments fait toujours l’objet de controverses, notamment pour la comparaison entre calcium du lait et calcium des aliments d’origine végétale.

 

LE LAIT MEILLEURE SOURCE DE CALCIUM

La biodisponibilité du calcium laitier varie entre 30 et 40 % dans des conditions normales d’apport (non excessif par rapport aux besoins). Contrairement à une idée répandue, « le calcium absorbé n’est pas ensuite perdu dans l’urine à cause d’une acidification due aux protéines animales. Le phosphore et le potassium qui l’accompagnent diminuent l’excrétion urinaire du calcium et favorisent sa rétention osseuse », souligne Léon Gueguen. De plus, sa biodisponibilité n’est pas affectée par des substances inhibitrices, mais au contraire favorisée par le lactose et certains acides aminés.

Ce n’est pas le cas, par exemple, de l’épinard, riche en acide oxalique qui insolubilise le calcium et le rend pratiquement inutilisable, à la différence des légumes verts pauvres en acide oxalique, qui apportent pour certains (chou chinois, brocolis, cresson, persil) 80 à 160 mg de calcium par 100 g aussi absorbable que celui du lait.

Les graines, et notamment leurs enveloppes (comme le son de blé) contiennent quant à elles des phytates qui inhibent l’absorption du calcium. La graine de soja est riche en calcium (200 mg par 100 g) mais n’est pas consommée telle quelle. « La boisson au jus de soja, le tonyu, improprement appelée ‘lait de soja’ et les préparations fermentées (tofu, tempeh, natto, miso) en contiennent beaucoup moins, sauf quand elles sont traitées et enrichies par un sel calcique », note Léon Gueguen.

Le phosphate tricalcique et le carbonate de calcium sont les deux formes de calcium le plus souvent utilisées pour enrichir les boissons au soja. Selon le site canadien Savoir Laitier, une étude révèle que la biodisponibilité du phosphate tricalcique dans ces boissons n’atteindrait que 75 % de celle du calcium du lait de vache. Les auteurs mettent aussi en garde contre la précipitation du calcium, qui nécessite de secouer le produit avant consommation.

 

UNE EAU ENRICHIE EN CALCIUM

L’eau du robinet ou de source embouteillée peut quant à elle contenir de 1 mg à 160 mg de calcium par litre, et les eaux minérales naturelles de moins de 10 mg à 500 mg par litre ; un calcium dont l’absorbabilité intestinale est bonne. « Malheureusement, les seules eaux riches en calcium sont également très riches en sulfates qui, par rapport au lait, augmentent la perte urinaire de calcium », précise Léon Guéguen.

L’entreprise allemande A.R. Engel GmbH, qui exporte l’eau minérale enrichie en calcium Steinsieker, souligne que celle-ci est recommandée par le corps médical dans le traitement de l’ostéoporose, un apport de calcium par l’alimentation étant préférable à la prise de compléments alimentaires, rapporte FoodNavigator. Introduite l’an dernier au Moyen-Orient, zone particulièrement touchée par l’ostéoporose, Steinsieker, qui apporte 620 mg de calcium naturel par bouteille, pourrait aider à limiter son extension. L’exportateur espère développer son marché via le secteur de la santé.

Mais Léon Gueguen s’insurge contre le seul recours aux aliments enrichis ou aux compléments alimentaires. Dans la plupart des pays développés, le calcium des produits laitiers représente 50 à 60 % du calcium consommé. « Leur exceptionnelle richesse en calcium les rend indispensables pour couvrir facilement les besoins calciques avec une alimentation courante et équilibrée. Des études épidémiologiques confirment leur intérêt pour la prévention de l’ostéoporose. »

 

UNE ÉTUDE CONTRADICTOIRE

Une nouvelle étude publiée dans le British Medical Journal (BJM) a toutefois suscité la polémique, l’an dernier, notamment aux États-Unis. Dirigée par le Pr Karl Michaëlsson, de l’université d’Uppsala, en Suède, elle faisait le lien entre des apports de calcium élevés (plus de 1 400 mg/jour) et l’augmenlégende tation du risque de maladies cardiovasculaires chez la femme. Selon les chercheurs, un régime à très faible ou très haute teneur en calcium pourrait perturber la régulation du taux de calcium dans le sang. Des allégations largement démenties par d’autres scientifiques, qu’il s’agisse de l’apport de calcium laitier ou non laitier ou des compléments alimentaires. Tandis que certains mettaient en cause le changement des habitudes alimentaires, se traduisant dans certains pays par un moindre apport de vitamine K2, du fait d’une consommation accrue de produits transformés. La vitamine K2 éviterait la formation de calcifications au niveau des artères.

Il reste que certaines populations continuent à éviter le lait, en général pour cause d’intolérance au lactose. Une attitude qui devrait régresser avec le développement du marché des produits « sans lactose ». Mais le problème de la fragilité osseuse des plus âgés, et de sa prévention, demeure. Et avec lui l’apparition de produits adaptés, à l’instar de Calin+ de Yoplait, de la gamme Grands Seniors de Bel Foodservice ou des desserts Force+ d’Andros Restauration. L’équipe de l’université d’Uppsala est toutefois revenue à la charge récemment, dans le BJM, incriminant cette fois le lait. Par rapport à celles qui en boivent moins d’un verre par jour, les femmes qui en consomment plus de 3 verres auraient un risque de décès et de fracture de la hanche supérieur. Une corrélation inverse existerait concernant la consommation de laits fermentés et de fromage. Hypothèse émise par les chercheurs : le D-galactose présent dans le lait jouerait un rôle dans le « stress oxydant » des cellules et l’inflammation des tissus. Une étude qui, selon ses propres auteurs doit être « interprétée avec prudence ». Ces résultats suscitent des interrogations de la part d’autres scientifiques, car il s’agit d’une étude d’observation isolée qui ne permet en aucun cas d’en inférer une relation causale.

 

(1) « Assurer les apports calciques conseillés. Est-ce possible sans produits laitiers ? » - Léon Guéguen - Cholé-Doc n° 139 – mars-avril 2014 - Centre de Recherche et d’Information Nutritionnelles

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