Aller au contenu principal

Écomouv' : tentative de privatiser le recouvrement de l'impôt

Le gouvernement a annoncé, le 22 juin dernier, la nouvelle mouture de l'écotaxe, à la suite du rapport de la commission d'enquête du Sénat publié un mois plus tôt. Mais le contrat signé avec Écomouv' complique la donne. Explications.

Huit mois après « la suspension » de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault à la suite du mouvement social des bonnets rouges en Bretagne, le gouvernement a décidé d'appliquer une nouvelle mouture, panachée pour la rendre acceptable socialement. Les portiques de la colère sont voués aux oubliettes, la Bretagne largement épargnée, tout comme les véhicules et matériels agricoles qui sont exonérés.

Il reste que la décision exceptionnelle dans l'histoire de la République française de confier à un intervenant privé la mission régalienne du recouvrement d'un impôt oblige l'État à négocier ce remaniement avec la société prestataire en tenant compte du contrat qui lie les deux parties, comme l'avait souligné le rapport de la commission d'enquête.

Au temps des 28 fermiers généraux...

La France a déjà connu et résolu cette situation en d'autres temps : au crépuscule de l'Ancien Régime, l'impôt était perçu par vingt-huit fermiers généraux, personnes privées rémunérées au pourcentage de leur collecte. Cette délégation fut supprimée à la Révolution et les fermiers généraux reçurent pour toute indemnisation un ticket pour la guillotine. Aujourd'hui, le gouvernement s'aperçoit qu'on ne perçoit pas un impôt comme on gère une entreprise commerciale. Mais aussi qu'il n'est plus de mise de convoquer les collecteurs d'impôts (en l'occurrence les dirigeants d'Autostrade per l'Italia) sur la Place de la Concorde…

La commission sénatoriale s'était donné pour objectif principal de vérifier la légitimité juridique du choix du partenariat public privé, et d'examiner l'équilibre général du contrat. Rappelons que la perception de cette taxe perçue sur les poids lourds empruntant le réseau routier français non concédé a été confiée à la société Écomouv' créée pour l'occasion et détenue majoritairement par la société italienne Autostrade per l'Italia dans le cadre d'un contrat de partenariat passé après un dialogue compétitif.

Risque financier et social

Ce montage avait fait grincer des dents, mais le Conseil d'État avait considéré qu'aucune norme constitutionnelle n'obligeait l'État à percevoir lui-même l'impôt. Il avait estimé que le recouvrement en lui-même n'était pas à classer dans les « missions de souveraineté » qui ne sont pas délégables, seuls le recouvrement forcé et l'utilisation de la force publique ressortissant de la souveraineté de l'État.

L'option du contrat de partenariat avait été choisie en raison de la complexité technique présente dans toutes les phases du dossier et à laquelle les douanes ne s'estimaient pas en mesure de répondre dans un contexte de révision générale des politiques publiques, et donc de baisse drastique des budgets. Il avait été jugé de même opportun de transférer le risque financier vers le secteur privé puisque, aux termes du contrat, Écomouv' était redevable des sommes « facturées » au contribuable, à charge pour lui de les recouvrer effectivement, tandis que l'État ne prenait en charge que le « risque social ». Les évè-nements permettent à présent de juger lequel des deux risques était le plus grand.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d'avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de 200 personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de la Réunion), il réunit près de 70 avocats et juristes à Paris. Il dispose également d'un bureau à Bruxelles et à Beyrouth. Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l'agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75 008 Paris - www.racine.eu

L'explosion sociale qui a suivi a prouvé s'il en était besoin, que le droit des obligations n'était pas adapté à la gestion d'un impôt, l'État se retrouvant forcé de gérer une situation de « suspension » qui n'était absolument pas prévue au contrat, lequel prévoyait une exploitation par la société Écomouv' devant durer treize ans.

L'échec total de ce choix du partenariat public-privé se traduit avant tout par le fait que l'État ne cherche plus aujourd'hui à savoir si le maintien de cet impôt est opportun socialement ou économiquement, mais si sa suppression est possible au vu du coût de l'indemnisation d'Écomouv' et de ses sous-traitants. Autrement dit, l'appréciation de l'utilité de l'impôt ne se fait plus à la mesure de l'intérêt général mais à l'aune d'intérêts privés.

Les plus lus

vache laitière devant une mangeoire de paille
L’écart de prix entre les vaches Lait et Viande n’a jamais été aussi bas qu’en mai 2025

Les prix moyens des gros bovins ont continué d’augmenter en semaine 25, mais, cette semaine, sur les marchés, on note un…

poules rousses en volière
Prix des poules pondeuses – Cotation réalisée le 04 juillet 2025

La CPP (Cotation poule pondeuse) est publiée dans Les Marchés le lundi reflète les prix de la semaine précédente. La CPR (…

un graphique avec une courbe à la hausse, sur fond de grains de blé
Les prix du blé, de l’orge et du maïs français sont repartis à la hausse

Comment ont évolué les prix des céréales ces 7 derniers jours ? Les journalistes de la Dépêche-Le Petit Meunier vous…

poules rousses en volière
Prix des poules de réforme – Cotation réalisée le 20 juin 2025

La CPP (Cotation poule pondeuse) est publiée dans Les Marchés le lundi reflète les prix de la semaine précédente. La CPR (…

rayon oeuf en supermarché
Œufs : la grande distribution quitte l’interprofession CNPO

FCA et FCD annoncent leur retrait du CNPO, interprofession des œufs, suscitant l’incompréhension. 

un graphique avec une courbe à la hausse, sur fond de grains de blé
Les prix du blé, de l’orge et du maïs français sont repartis à la baisse

Comment ont évolué les prix des céréales ces 7 derniers jours ? Les journalistes de la Dépêche-Le Petit Meunier vous…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Les Marchés
Bénéficiez de la base de cotations en ligne
Consultez vos publications numériques Les Marchés hebdo, le quotidien Les Marchés, Laiteries Mag’ et Viande Mag’
Recevez toutes les informations du Bio avec la newsletter Les Marchés Bio