Eau : pas de nouvelle charge directe pour les agriculteurs
Montrés du doigt par certaines associations (voir LM n°88), les agriculteurs n’ont pas de raisons de craindre le projet de loi sur l'eau examiné la semaine prochaine à l’Assemblée. Régulièrement remis en cause, le texte actuel prévoit une augmentation des prélèvements auprès du monde agricole, qui sera en fait financée par un transfert de charges. Bénéficiant de 10% des aides, les agriculteurs contribueront dorénavant pour 4% (contre 1% auparavant) au budget des 6 agences de l'eau. Ce rééquilibrage va être rendu possible par le transfert vers ces agences de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) liée à l'achat de pesticides. Il s'effectuera « sans augmenter ou créer d'autres taxes, sur les nitrates notamment», a précisé le ministère de l'Ecologie hier, à l'occasion de la présentation du texte.
Les pesticides, qui font l'objet d'un plan interministériel de réduction des risques, devraient subir un relèvement du plafond de redevance proposé par les sénateurs. Sous leur impulsion, une deuxième catégorie (pour les produits les plus toxiques) a été créée, avec un plafond de 3 euros contre 1,2 habituellement. Les chiffres définitifs sont en discussion « pour être économiquement dissuasifs», a ajouté la ministre. Dans la même veine, Nelly Olin regrette que la version antérieure du texte présentée par son prédécesseur Roselyne Bachelot (favorable à la taxation des nitrates) n'ait pas été votée en son temps.
L'impact du projet de loi sur l'eau se limitera donc à un simple transfert de charges pour les agriculteurs, qui bénéficieront dans le même temps de la création d'un fonds de garantie sur les boues d'épuration, pour éviter d'être lésés en cas de constatation de dommages imprévisibles. Sur ce sujet, plusieurs amendements sont à l'étude pour interdire la discrimination contractuelle mise en œuvre par certaines filières agroalimentaires vis-à-vis de terres ayant fait l'objet d'épandage de boues, ou l'utilisation de l'argument «produit sans boue».
8 procédures entre Paris et Bruxelles
Pluieurs outils de gestion de la sécheresse figurent dans les articles du projet de loi, avec l'obligation de gestion collective dans certaines zones du territoire, un système comparable à des quotas que les différentes parties prenantes auront à se répartir. L'objectif est de préserver et restaurer à moyen terme la qualité des eaux, en modifiant certaines pratiques agricoles en amont des prises de captages. En référence à la situation hydrique difficile, la ministre s'est félicité de la «prise de conscience» des producteurs de maïs, dont la surface a diminué de 20% en 2 ans au profit de cultures moins gourmandes en eau.
Le calendrier de discussion de ce projet de loi prévoit maintenant un examen en première lecture à l'Assemblée nationale du 9 au 16 mai (avec un millier d'amendements à traiter), la seconde lecture dans les deux chambres ayant été fixée en juin. Idéalement, le vote et la promulgation de la loi pourraient s'opérer avant le 14 juillet, mettant un terme à une dizaine d'années d’atermoiements. Cette accélération n'est pas superflue, la France devant créer les conditions nécessaires au respect de la directive cadre sur l'eau. Avec 8 procédures de contentieux sur l'eau entre Paris et Bruxelles, dont trois ont déjà fait l'objet de condamnation et de sanctions financières, l'échéance est bienvenue.