D’où provient l’alimentation des franciliens ?

«Nourrir le grand Paris, qui compte aujourd’hui 12 millions d’habitants et accueille chaque année 40 millions de touristes, c’est compliqué. Par le passé cette question a toujours été un enjeu majeur pour le pouvoir central ». Ainsi Jean-Paul Huchon, président de la Région Ile-de-France, a introduit le colloque « nourrir la région Capitale », organisé jeudi 4 juin par le Centre régional de valorisation et d’innovation agricole et alimentaire (Cervia). L’objectif de cet événement était, étude à l’appui, « de prendre conscience de la réalité quotidienne de l’approvisionnement d’une mégalopole ». À l’heure où les médias multiplient les informations sur le développement des Amap Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne. En Ile-de-France, elles concernent 5 000 ménages regroupés en 120 associations., Marc Spielrein, président de la Semmaris, a tenu à rappeler que même si la région reste agricole (avec 576 000 hectares de surfaces agricoles, consacrées à 80 % aux grandes cultures), « elle n’est plus autosuffisante depuis la fin du Moyen âge ». Selon l’étude du Crédoc rendue publique pour l’occasion, chaque année les Franciliens consomment 355 000 tonnes de pain et 1 195 000 tonnes de produits frais, dont 110 000 tonnes de poissons et crustacés, 180 000 tonnes de viandes, 430 000 tonnes de fruits et 475 000 tonnes de légumes.
Pour le pain… pas de problèmes. Avec ses 239 705 hectares de blé cultivés en France et ses 17 moulins, la région se suffit à elle-même pour approvisionner ses boulangeries. En revanche, pour les produits frais, l’affaire se gâte. Avec 32 109 bovins, et seulement trois abattoirs dédiés au marché halal, l’Île-de-France produit chaque année 252 tonnes de viande bovine, soit 0,25 % des 100 000 tonnes consommées par les Franciliens. En fruits et légumes, la production est conséquente — 137 115 tonnes — mais particulièrement développée sur quelques petits produits de maraîchage comme les oignons (22 711 t), les radis (3 313 t) et le persil (11 922 t). Pas de quoi remplir les assiettes des Franciliens toute l’année.
Rungis au cœur de l’approvisionnement
C’est ici qu’entrent en jeu les centrales d’achat des grandes et moyennes surfaces (GMS) et surtout le marché de Rungis. Comme les halles de Paris dès la fin de l’Ancien Régime, « le marché de Rungis (avec ses 1 215 entreprises et 1,4 millions de tonnes de produits alimentaires vendus chaque année) joue toujours un rôle central dans l’approvisionnement de la région parisienne », a rappelé Marc Spielrein. Deux tiers des produits arrivant à Rungis sont consommés en Île-de-France, un quart part dans d’autres régions françaises et 10 % sont destinés à l’export. Le Min fournit les détaillants et marchés forains, stimulés par la crise économique (pour 50 % de son activité), les centrales des GMS (pour 15 % de ses volumes), la restauration collective et les 10 000 restaurants franciliens (pour un tiers de son activité). Le tout pour alimenter l’assiette du consommateur francilien dont le Crédoc s’est attaché à définir les spécificités.
Les Franciliens mangent plus de riz et de légumes
Résultats : « Malgré une surreprésentation des cadres et des jeunes en région parisienne, les Franciliens ne consomment pas plus de produits tout prêts », a noté Pascale Hebel, directrice du département consommation. En revanche, ils consomment plus de boissons rafraîchissantes sans alcool (31 % de plus), plus de légumes (23,5 % de plus) et beaucoup plus de riz à travers une cuisine plus exotique (62 % de plus que le reste des Français). Les enfants de la région mangent moins de charcuterie, moins de pâtisseries mais plus de fruits et légumes et de produits ultrafrais laitiers. Étonnamment, les Franciliens déclarent passer plus de temps en cuisine que les Français originaires d’autres régions. Autres différences : ils fréquentent plus les marchés forains et les magasins de surgelés. Ils consomment aussi un peu plus fréquemment du bio que les habitants d’agglomérations de plus de 100 000 habitants. « Les Franciliens sont plus sensibles aux messages nutritionnels », a conclu Pascale Hébel en se référant à des données datant de 2007.
En temps de crise, les comportements semblent néanmoins évoluer. Stéphane Premel, directeur des achats alimentaires du groupe Elior, a témoigné la semaine dernière d’une « paupérisation de la demande dans la région ». « Nos clients ne prennent plus des bouteilles d’Evian mais de la Cristaline. Ils prennent moins de fruits et légumes mais plus de pâtes. Ils souhaitent une offre de produits premium mais ce n’est pas ce qu’ils consomment », a-t-il confié.