Discours simpliste et manichéen
En annonçant dans Le Parisien en exclusivité, le 15 mars, les premiers résultats de l’étude conduite par 60 supermarchés depuis septembre et en dévoilant, de manière à peine voilée, le logo nutritionnel qui sera choisi en avril, Nutri-Score, Marisol Touraine a sûrement voulu couper l’herbe sous le pied des industriels. Tout en faisant plaisir aux associations de consommateurs en montrant que leurs souhaits étaient enfin réalisés. Au passage, elle a fait exulter le Pr Serge Hercberg qui n’a pas hésité sur le Huffington Post à raconter l’histoire de sa « bataille homérique face aux industriels ». Et de se féliciter qu’après trois années, la ministre de la Santé ait enfin tranché en faveur du logo 5C, conçu soit dit en passant par son équipe. « Une grande victoire pour la santé publique », selon lui, qui aurait pu intervenir plus tôt si les industriels n’avaient pas tout fait pour retarder son entrée en vigueur en exigeant de nouvelles démonstrations scientifiques, et notamment que soient testés et comparés les différents systèmes proposés, en conditions réelles. Observateur intéressant en cette période de campagne électorale, le candidat PS Benoît Hamon a ainsi résumé sur Twitter : « Étiquetage nutritionnel : je salue la décision de @MarisolTouraine pour mieux informer les consommateurs. Ne tremblons pas face aux lobbies ». De quoi accentuer l’amertume des représentants de la filière agroalimentaire (Ania et FCD) ayant quelque peu l’impression de s’être fait rouler dans la farine alors que les résultats de l’expérimentation ne leur avaient pas encore été officiellement présentés et qu’ils devaient en débattre en comités de pilotage. Or, déjà des pressions s’exercent pour qu’industriels et distributeurs appliquent ce logo volontaire. Des associations de consommateurs mais aussi des politiques. Une pétition, lancée par des députés Verts, circule pour qu’il soit rendu obligatoire au niveau européen. Sans parler de certains journalistes, telle Isabelle Saporta et son discours simpliste : « ceux qui l’afficheront sont les vertueux, ceux qui ne l’affichent pas sont les pourris ». Le monde agroalimentaire est de plus en plus perçu comme un univers manichéen. Dommage.