Des fêtes de fin d'année en demi-teinte à Rungis
> Veaux de lait, litchis branches, homards canadiens et écossais, chapons labellisés... Beaucoup de grossistes ont misé sur la qualité pour contrer la grande distribution. Le pavillon volailles a notamment enregistré de bonnes ventes.
Avant les fêtes de fin d'année, le marché de Rungis se préparait comme tous les ans à un pic d'effervescence en termes d'activité et d'offre. Selon les prévisions, 120 000 tonnes de produits devaient transiter lors du mois de décembre et 115 000 passages d'acheteurs étaient attendus. Traditionnellement, le dernier mois de l'année voit les ventes multipliées en moyenne par deux par rapport à un mois ordinaire. Se concentrent en décembre : 95 % des ventes annuelles de chapons et poulardes ; 72 % des dindes « fermières » ou encore 30 % des huîtres et 25 % du foie gras. Comment s'est déroulé ce mois de décembre ? Les chiffres officiels ne sont pas encore tombés, mais les premières impressions des grossistes sont mitigées.
La marée victime de la tempêteLes plus mécontents se trouvent au pavillon de la marée. Noël 2013 ne laissera pas un bon souvenir aux grossistes. Premier responsable: le mauvais temps, suivi du pouvoir d'achat en berne des ménages. En effet, la marchandise était rare, suite à la tempête qui a balayé la façade atlantique, et les prix des poissons se sont envolés. Ainsi, les produits «nobles», comme la lotte ou les soles, se sont vendus à plus de 30euros le kilogramme sur le marché. À ces prix, les poissonniers n'auraient pas pris de risques, selon les grossistes, et acheté que très peu de volume. À l'opposé de ce poissonnier, croisé dans les allées, qui indique justement avoir joué le tout pour le tout et décidé d'approvisionner en quantité ses sept poissonneries pa-risiennes: «On prenait un risque, on le savait, mais au final ça s'est très bien passé et on est satisfait de notre fin d'année». Du côté des coquillages et crustacés, la demande était là, tout comme l'offre. «Nous avons eu des arrivages de langoustes et de homards, même si nous avons dû aller chercher loin quelquefois.» Au menu des fêtes: langouste rouge du Mexique ou du Chili, ou homard canadien. Les produits commandés en avance comme les gambas ou le saumon fumé étaient bien présents dans les allées.
Ouvert en octobre, le nouveau pavillon F5C est occupé par six entreprises spécialisées dans les arts de la table, le vin et les spécialités gastronomiques. Il marque la première étape de l'avenue de la gastronomie qui accueillera des entreprises travaillant la clientèle traiteur et restauration. Les fêtes de fin d'année étaient donc le premier test pour ces commerçants, et c'est un succès. Pour ce spécialiste de la gastronomie italienne, le déménagement a du bon : «On était en face avant, on a très bien vendu ici, c'est plus grand, plus visible ». Pour ce caviste, « les vins, les champagnes… tout s'est bien vendu. Nous avons eu beaucoup de nouveaux clients ». À l'épicerie fine Médelys, même constat « avant les clients ne s'arrêtaient pas, mais ici nous sommes bien mieux vus».
Du côté des fruits et légumes, tous les grossistes sont d'accord : c'était calme. Pour ce vendeur de fruits exotiques, « il y a eu beaucoup moins d'euphorie que d'habitude, l'ambiance était moins festive ». Pour cet autre, « il n'y a pas de raison de se plaindre, mais il y avait moins d'effervescence que d'habitude ». Pour les grossistes, en résumé : les commerçants n'ont pris aucun risque. « Il y avait peu de confiance, nos clients ont très peu stocké. » Résultat : 2014 commence bien puisque les étals sont à sec. Si les fruits exotiques ont pu bénéficier de cet effet Noël, les bananes, pommes et poires restent à Rungis. « Il fait trop chaud pour ven” dre. Je suis à 15 % de chiffre en moins », explique ce grossiste spécialisé dans les bananes.
“ Selon les grossistes, les commerçants n'ont pris aucun risque
Au pavillon des viandes, les clients se sont tous arraché les mêmes morceaux : « c'était la folie sur les filets de bœuf et les morceaux à rôtir », déclare ce grossiste. Noël tombant un mercredi, les gens ont pris le temps de faire leur commande, même tout leur temps… « Le samedi avant Noël, les bouchers n'avaient pas 80 % de leurs commandes ! Ils sont arrivés lundi matin, fous furieux, ils n'avaient rien ! C'est toujours difficile à gérer deux jours avant… et ils ne veulent pas trop se mouiller non plus en commandant trop tôt », explique Francis Fauchère, président-directeur général d'Eurodis. Pour ce grossiste, c'est sur la qualité que ce réseau de distribution peut s'en sortir : « La seule voie de sortie c'est la qualité. Je pense que les gens sont conscients que la viande coûte cher. Par exemple, sur le veau de lait, un produit qualitatif mais très cher, nous continuons de progresser tous les ans. Ramenée à la portion, la différence n'est pas énorme. »
La volaille, gagnante des fêtesGrand gagnant de ces fêtes de fin d'année : sans aucun doute le pavillon de la volaille où le champagne a même été sabré. Pour Gino Catena, président-directeur général de la société Avigros : « Tout s'est bien passé. On a tout vendu ! Nous avons écoulé plus de 25 000 chapons ». Les grossistes du pavillon VG1 remercient avant tout : « l'absence de neige, l'absence de grèves et Noël en milieu de semaine avec deux weekends pour réunir les familles, explique-t-on chez Eurovolailles. On a un produit pas trop cher et rapide à produire ».
Les dindes fermières ont, semble-t-il, arrêté de chuter cette année, avec des ventes stables par rapport à l'an dernier. « Nous avons eu une bonne demande sur ce produit, note Gino Catena, même un manque de produit. Les gens mangent de la dinde toute l'année et il est important qu'ils comprennent bien la différence avec la dinde fermière. C'est l'amalgame qui pose problème à ce produit».