De l’électricité dans l’air entre les éleveurs et EDF
Le président du tribunal de grande instance de la Corrèze, juge de l'expropriation, vient de reconnaître la responsabilité d'EDF et de son réseau de transport d'électricité RTE dans les incidents survenus au GAEC de Latronche (19). Il a condamné les prévenus à payer plus de 390 000 euros à la famille Marcouyoux, en réparation des préjudices subis depuis 1990, date à laquelle une ligne à haute tension de 250 000 volts traversant leur exploitation était passée en très haute tension à 400 000 volts.
Depuis cette époque, les éleveurs avaient relevé plusieurs problèmes graves concernant leurs troupeaux et cheptels de bovins et de porcs -problèmes respiratoires, baisses des défenses immunitaires- mais ce n'est qu'en 1998 qu'un technicien avait conclu à la surexposition des animaux aux champs électromagnétiques. «La Chambre d'agriculture et les services départementaux s'en sont mêlés, écartant la source infectieuse liée à la mort des vaches», rappelle Me Caetano. Le jugement rapporte que «la maternité porcine a été arrêtée en raison d'un taux de natalité anormalement bas et d'un taux de mortalité infantile élevé», que «le hangar de stabulation accueille des génisses chétives souffrant pour partie d'hémorragies ou d'avortements inexpliqués» et que «10% du lait est perdu» en raison de maladies digestives ou génitales subies par les vaches.
Michel Marcouyoux, qui a monté en 1974 avec son épouse cette exploitation de 30 ha courant le long de la ligne électrique, se souvient d'avoir vu défiler «il y a une quinzaine d'années» tous les services vétérinaires pour détecter une éventuelle maladie du cheptel. «On avait le choix de tout abandonner ou de reconstruire un bâtiment 1 km plus loin. C'est ce que nous avons décidé mais on a dû abandonner la porcherie parce que tout était de notre poche pour recommencer», a souligné cet agriculteur de 60 ans.
«Ma femme est sourde, moi aussi et notre fils de 35 ans a des problèmes respiratoires», affirme M. Marcouyoux, qui fait désormais partie d'une association basée en Bretagne «Animaux sous tension». «La nuit, si vous avez un néon à la main près de la ligne à très haute tension, il s'allume tout seul», s'inquiète-t-il.
Un jugement qui pourrait faire jurisprudence
Forte de relevés pris par un gaussmètre, et du soutien de l'association « agriculteurs en difficulté », la famille Marcouyoux - qui a investi entre temps 300 000 euros dans une étable éloignée de 800 mètres de la ligne concernée - a d'abord porté l'affaire devant le tribunal administratif qui s'est déclaré incompétent. La passation du dossier à la juridiction civile a conduit le 28 octobre dernier au jugement évoqué ci-dessus, jugement qui est une véritable première française et qui pourrait faire jurisprudence en la matière pour toutes les autres affaires du même type.