De grands challenges se présentent pour l’Inao réformé
De gros chantiers en cours, tels que la réorganisation de l'institut, la naissance du Conseil agrément et contrôle, et surtout le passage des AOC à un système de contrôle indépendant et transparent, vont marquer la fin de ce que l'on peut appeler «l'ancien institut». Nous ne reviendrons pas sur la composition des différents comités, qui a déjà fait l'objet de nombreux articles dans nos colonnes, mais la question des contrôles est d'une brûlante actualité. Difficile de suivre les pérégrinations de la rédaction du projet d'ordonnance qui change de jour en jour au rythme des volontés des professionnels et du ministère concernant le choix entre organismes agréés (OA) et organismes certificateurs (OC).
Alors que les OC, de nature privée, étaient montrés du doigt comme le grand méchant loup, ils font un retour en force chez les professionnels. Cette situation n'est pas sans créer certaines interrogations au sein de l'Institut qui s'inquiète de la précipitation des évènements et des changements de direction. « Les OC, pourquoi pas à terme. Mais les professionnels devraient se familiariser d'abord avec le concept du contrôle externe avant de s'engager définitivement», recommande Sophie Villers, directrice de l'Inao.
Dans les faits, les professionnels doivent choisir très vite quels types d'organismes doivent les contrôler. Les craintes portent surtout sur la connaissance relative des organismes certificateurs en matière d'AOC. Les OC ont une expérience certaine en matière de contrôle simple et de certification puisqu'ils sont agréés en Label Rouge et CCP depuis de nombreuses années. Mais les AOC ne sont pas des produits comme les autres. Basés souvent sur des savoir faire ancestraux, des pratiques orales, les producteurs en AOC, s'ils pratiquaient déjà le contrôle interne et l'autocontrôle, n'ont pas eu le souci de matérialiser par l'écrit leurs façons de travailler.
Laisser du temps pour se familiariser
Les OC, habitués à travailler sur des bases souvent normatives, risquent de se retrouver face à des raisonnements qu'ils n'appréhendent pas totalement. Les conditions d'agrément des produits diffèrent selon que l'on se trouve dans le cas du Label Rouge ou de l'AOC. En un mot, si le choix des OC est retenu, ils vont devoir développer de nouvelles approches et inclure la typicité et la spécificité des produits AOC. « Les OC, s'ils contrôlent les AOC devront revoir leurs commissions d'agrément,préconise Claude Bellanger (Inra), président de plusieurs commissions d'enquêtes en AOC . Il faudra faire une place importante aux hommes de terrain, aux experts, aux personnalités qualifiées à l'intérieur des commissions pour que les OC comprennent le savoir faire des producteurs et acquièrent la connaissance des produits.»
« Il faut laisser du temps au temps», martèle Michel Prugue, qui est rompu au système des OC notamment dans la volaille fermière des Landes. Il souhaiterait voir les producteurs se familiariser avec ces nouvelles procédures par le biais de contrôles exécutés par des Organismes agréés et passer progressivement aux OC dans les trois années qui viennent. Le ministère se rangera-t-il à ses propositions? Dans ce choix cornélien, le ministère tient aussi les cordons de la bourse: instituer les OA est synonyme de moyens supplémentaires en hommes et en formation des agents. Or les temps ne sont plus à l'abondance. On pourrait même parier sur l'inverse.