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Dans le dernier bastion du jambon « de Paris »

La dernière entreprise de jambons située à Paris intramuros joue à plein le créneau de la fabrication artisanale. Dans des conditions matérielles parfois délicates, Doumbéa-Sojadam connaît une belle croissance et lorgne l'export. La PME nous a ouvert ses portes.

Le jambon de Paris fait de la résistance. La dernière entreprise de production située dans l'enceinte de la capitale connaît une nouvelle jeunesse depuis son rachat il y a neuf ans par Yves Le Guel. Cet ancien cadre dans le secteur de la chimie s'est mué « par esprit d'entreprise et par goût pour les bons produits » en ambassadeur de ce « jambon cuit supérieur de forme parallélépipédique » emblématique de la charcuterie parisienne. En septembre 2005, Yves Le Guel, qui a alors 46 ans, rachète une petite entreprise de charcuterie traiteur, Sojadam, située au rez-de-chaussée d'un immeuble de la populaire rue de Charonne à Paris (11e ). Il lui accole le nom de sa société, Doumbéa, du nom d'une commune de Nouvelle-Calédonie où son beau-frère s'est installé.

Depuis le changement de propriétaire, l'activité de cet atelier atypique niché en pleine ville connaît une croissance régulière. En moins de dix ans, les effectifs ont été portés de 3 à 12 personnes, la production est passée d'une centaine à plus de 500 jambons par semaine, tandis que le chiffre d'affaires a été pratiquement décuplé pour atteindre 2 millions d'euros en 2013. Ces trois dernières années, Yves Le Guel est passé à la vitesse supérieure en investissant 200 000 euros dans la modernisation des machines et en absorbant le fonds d'une charcuterie située à Bois-Colombes (92).

Une extension en projet

Désormais à l'étroit dans ses 250 m2 , l'entreprise a pour projet de doubler de surface en s'étendant sur des locaux voisins. L'extension accueillerait les frigos et la préparation de commande, soulageant ainsi l'activité de l'atelier. Yves Le Guel entend rationnaliser les flux au sein de l'entreprise, compliqués par la configuration inhabituelle des lieux. À Paris, tout, en effet, est un peu plus compliqué qu'ailleurs. L'entreprise doit notamment jongler avec les rares places disponibles dans la rue pour stationner les trois véhicules qui assurent l'approvisionnement depuis Rungis et la livraison des clients.

Le nouveau venu dans le métier a parié dès l'origine sur la fabrication d'un jambon entier résolu-” ment qualitatif, sans malaxage ni polyphosphates. Son produit phare, le Prince de Paris, est préparé à partir de cuisses de porc de la Sarthe, de la Mayenne ou de Bretagne avec une saumure traditionnelle au sel de Guérande, injectée par l'artère afin de respecter la texture de la viande. Après avoir longuement reposé, les jambons sont cuits de 8 à 9 h au four vapeur. Un process qui nécessite un parage méticuleux et occasionne des pertes sensibles à la cuisson. « Une cuisse de 11,5 kg donnera environ 8 kg de jambon », calcule-t-il. « Cela représente 30 % de pertes dont les deux tiers liés à la cuisson. »

Un jambon entier sans malaxage ni polyphosphates

« Mon souhait était de faire exactement le produit que je voulais », assume Yves Le Guel, dont la formation a été assurée par les deux charcutiers « historiques » de l'entreprise dont l'un est encore actif au sein de l'entreprise. « Nous nous sommes orientés vers des cuisses moins lourdes, afin d'obtenir des jambons plus faciles à trancher, le jambon de Paris traditionnel étant naturellement fragile », détaille-t-il.

Le charcutier © B. C.

> Le charcutier prépare du jambon entier. Son Prince de Paris bénéficie d'une salaison artisanale au sel de Guérande, et d'une saumure traditionnelle directement injectée par l'artère pour préserver la texture de la viande. Les cuisses de porc proviennent de la Sarthe, de la Mayenne ou de la Bretagne.

Jambons à l'os, jambonneaux, poitrines, rillons et saucisses sont également préparés par les douze charcutiers employés rue de Charonne à Paris.

© B. C. © B. C.

De cet atelier atypique, Doumbéa-Sojadam exporte ses produits au Luxembourg, en Belgique, en Suisse, au Royaume-Uni et en Alle-magne, et vise le développement de ses ventes en Asie.

Présence au Sial pour la première fois

Alors qu'il n'était qu'un produit de niche lors de la reprise de l'entreprise, le Prince de Paris pèse désormais pour la moitié des ventes de Doumbéa-Sojadam. La charcuterie commercialise égale-ment toute une gamme complémentaire : jambons à l'os, jambonneaux, poitrines ou encore rillons et saucisses.

Dans un univers où les fabrications artisanales sont devenues rares, le Prince de Paris n'a pas tardé à se faire un nom chez les bouchers et charcutiers (la moitié de la clientèle) en quête d'une offre alternative. Parmi eux, les célèbres Hugo Desnoyer et Yves-Marie Le Bourdonnec. Mais l'entreprise s'est rapidement tournée vers le secteur de la restauration, en s'appuyant sur le savoir-faire des deux jeunes fondateurs de Terroirs d'Avenir, qui fournit les restaurants parisiens en produits gastronomiques. Les jambons produits rue de Charonne tapent rapidement dans l'œil de quelques grands chefs comme Yannick Alleno qui ne manque jamais de citer son fournisseur.

Le bouche à oreille aidant, le Prince de Paris devient aussi l'ingrédient indispensable des meilleurs jambon-beurre de la Capitale. « Dans le classement des 15 meilleurs sandwichs du Figaro au printemps, 12 d'entre eux s'approvisionnaient chez nous », relève fièrement Yves Le Guel. Mais le chef d'entreprise n'entend pas s'arrêter en si bon chemin. Rodé à l'export dans son précédent métier, le fabricant aimerait développer les ventes à l'étranger. « Nos produits sont d'ores et déjà présents dans des points de vente au Luxembourg, en Belgique, en Suisse, au Royaume-Uni et en Allemagne. Mais on peut faire mieux et peut-être se lancer vers d'autres destinations, par exemple en Asie », estime-t-il.

PARIS, UNE MARQUE IRREMPLAÇABLE

L'origine parisienne est l'un des atouts majeurs du Prince de Paris. C'est donc tout naturellement que l'entreprise s'insère dans la démarche de promotion mise en place par le Cervia, l'organisme de promotion des produits alimentaires d'Île-de-France. Les produits bénéficient ainsi du label régional « Saveurs Paris-Île-de-France ». L'entreprise sera également aux Semaines du manger local en Île-de-France. Elles s'ouvriront par un marché de producteurs et d'artisans régionaux sur les berges de la Seine les 21 et 22 septembre prochains.

Pour établir des contacts, l'entreprise sera représentée pour la première fois au Sial, en octobre prochain. Yves Le Guel y sera accompagné de son fils qui va bientôt faire ses premiers pas dans l'entreprise.

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