Dans la vodka, « y'a pas seulement que des céréales »
« Vous avez beau dire, y’a pas que de la pomme, y’a aut’chose ». Qui ne se souvient de l’inoubliable réplique signée Audiard dans les « Tontons flingueurs » ? Il convient à merveille à la polémique qui agite le secteur de la vodka dont la définition n’est pas loin de se noyer dans l’océan des arguties européennes.
Le texte sur les boissons spiritueuses n’en finit plus en effet d’être en cours de révision depuis plus d’un an. Résumons les épisodes précédents : le premier texte européen datant de 1989, il était indispensable de le modifier au vu des différents élargissements de l’Union, afin que chaque pays s’y reconnaisse et puisse y classifier ses produits. La première mouture proposait une hiérarchisation entre les produits qui équivalait à une discrimination pure et simple ; il s’agissait de différencier les eaux-de-vie, censées relever d’une première catégorie, des spiritueux composés, relégués dans une sous-catégorie. « Cette idée n’est plus aujourd’hui à l’ordre du jour » rassure Marie-Delphine Benech, déléguée générale de la FFS.
Mentions obligatoires en débat
Le problème posé à la vodka est particulièrement épineux. Certains pays « puristes » (les États Baltes, la Pologne, le Danemark, la Suède, la Finlande, la Slovénie) défendent l’idée d’une vodka élaborée uniquement à base de mélasse de betterave, de pommes de terre et de céréales, et qui pourraient, seules, afficher « vodka » sur l’étiquette tandis que les autres devraient afficher une dénomination « vodka à base de… », dans un même caractère. Par ailleurs, les vodkas fabriquées à partir de deux produits d’origine agricole devraient être dénommées « blended vodka ». Si tout le monde s’accorde sur un besoin d’étiquetage pour la matière première de base, beaucoup, dont la France, revendiquent une liberté quant à la façon de le mentionner. Ce compromis est loin d’être gagné. D’autant moins que les opérateurs d’un même pays ne sont pas forcément d’accord et que certains États mettent en avant des variantes comme la Grande-Bretagne voulant élargir la vodka aux mélasses de canne à sucre. Seules les vodkas aromatisées font l’objet d’une catégorie à part avec cet intitulé, et non sous l’appellation « spiritueux à base de vodka aromatisée à… ».
Un texte devrait être adopté par le Parlement européen dans les prochains mois mais les discussions interminables sur la vodka ralentiront forcément le vote obligatoirement à l’unanimité. A l’heure actuelle, les défenseurs de la limitation à certaines matières premières ne devraient pas obtenir gain de cause, ne serait-ce qu’au niveau juridique. Mais la FFS s’étonne que des pays comme la Pologne s’arc-boutent, par exemple, sur une catégorie « traditionnelle », « alors qu’ils peuvent jouer sur une indication géographique, précise Marie-Delphine Benech. Le texte qui ne passera sans doute pas avant deux ans devrait aussi permettre de mieux protéger les appellations géographiques et de se mettre en conformité avec le droit international en permettant aux pays tiers de déposer leur appellation géographique sachant que les spiritueux en tant que produits industriels ne s’inscrivent pas dans le cadre de l’OCM ».
F.H