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Dans la gestion de crise, pas de temps à perdre !

À quel moment l'exploitant du secteur alimentaire, dont les produits sont déjà sur le marché, doit-il organiser le retrait en cas de crise ? C'est à cette très intéressante question qu'a répondu la chambre criminelle de la Cour de cassation le 27 octo-bre 2015. Étude de cas.

Dans l'affaire étudiée, une entreprise a livré à un transformateur divers lots de minerai de viande destinés à la fabrication de steaks hachés. Quelques jours après cette livraison, l'acheteur informe son vendeur qu'il suspecte la présence d'E.coli pathogène après des tests rapides réalisés sur une mêlée de steaks hachés qu'il a fabriqués. Le vendeur va bloquer immédiatement ces mêmes lots de marchandise qui sont encore en sa possession et attendre les résultats définitifs du laboratoire. Une note de la DGAL précise que les opérateurs ne doivent entamer les opérations de retrait et de rappel que lorsqu'il y a confirmation de la contamination par le laboratoire.

Ce n'est que plusieurs jours après le soupçon de dangerosité des produits que les opérations de retrait seront organisées, et le vendeur sera poursuivi pour défaut de mise en œuvre des procédures de retrait ou de rappel d'un produit d'origine animale préjudiciable à la santé, au sens des dispositions des articles 14 et 19 du règlement no 178/2002. Rappelons que ce règlement, entré en vigueur en 2005, poursuit l'objectif général d'un niveau élevé de protection de la santé et de la vie des personnes en se fondant sur une analyse des risques. C'est ce même règlement qui a consacré l'émergence, en droit de l'alimentation, du principe de précaution. Selon ce règlement, aucune denrée ne doit être mise sur le marché si elle est dangereuse, c'est-à-dire préjudiciable à la santé, ou impropre à la consommation humaine (article 14).

Note de service avant tout administrative

Si un exploitant du secteur alimentaire considère ou a des raisons de penser qu'une denrée qu'il a importée, produite, transformée, fabriquée ou distribuée ne répond pas aux prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires, il engage immédiatement les procédures de retrait du marché de la denrée en question lorsque celle-ci ne se trouve plus sous son contrôle direct, et en informe les autorités compétentes… (article 19). Mais ces textes ne nous disent pas quand et sur la base de quelles informations un opérateur est censé avoir des raisons de penser qu'une marchandise qu'il a livrée est dangereuse. D'où la note de service de l'administration.

Sur la base de ces deux éléments, le vendeur sera relaxé par le Tribunal, puisque c'est bien au moment où il a eu confirmation par l'administration de la dangerosité des produits qu'il en a organisé le retrait. Mais, pour la cour d'appel, dès lors qu'avant la finalisation du rapport du laboratoire, les prévenus avaient été informés de la contamination de leurs matières premières par ce laboratoire lui-même, ils avaient des raisons « plus que sérieuses » de penser que le minerai était dangereux pour la santé humaine et devaient donc engager immédiatement la procédure de retrait prévue par le règlement communautaire.

La Cour de cassation confirmera cet arrêt en toutes ses dispositions en écartant toute erreur de droit invoquée et en confirmant qu'à partir du moment où un opérateur a des raisons de penser que la marchandise qu'il a mise en marché est dangereuse, il doit en organiser immédiatement le rappel et le retrait.

Le retrait au plus tôt

Le règlement communautaire ne pose pas en principe que l'opérateur doit organiser le retrait quand il est informé de ce qu'une marchandise n'est pas conforme, et potentiellement dangereuse, mais quand il a des raisons de penser qu'elle l'est, même s'il n'a pas de certitude à ce sujet. Le second apport de l'arrêt concerne la portée de la note de service de l'administration dont le prévenu indiquait avoir compris qu'elle l'invitait à attendre que le laboratoire confirme la dangerosité du produit pour procéder au retrait. Or, une note de service de l'administration est avant tout un document qui lie une administration à ses fonctionnaires.

Elle est totalement insusceptible de neutraliser le dispositif d'un règlement communautaire d'autant que le droit communautaire prime toujours sur le droit national !

MAÎTRE DIDIER LE GOFF

Fort d'une expérience de plus de vingt-cinq années dont vingt ans au sein du cabinet LPLG Avocats, dont il fut associé, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l'entreprise et à l'écoute de ses besoins, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d'une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique qu'il enseigne en mas-ter II Droit du marché de l'université de Nantes, avec une prédilection pour l'agroalimentaire tant en droit national qu'européen ou international. Contact : dlegoff.avocat@gmail.com

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