Crise financière : plus de PME mises en vente
LM : Vous êtes l'un des rares spécialistes de la transmission d'entreprises agroalimentaires. Comment a évolué votre activité ces dernières années ?
Jacques Vituret : Nous avons bien organisé notre activité. Aujourd'hui MTI compte 8 antennes en France et 3 à l'international. Toutes sont associées avec des parts croisées. Un pacte d'associés nous lie. Concrètement aujourd'hui quand une entreprise avec un chiffre d'affaires compris entre 3 et 8 M Eur se présente à la vente, l'antenne régionale dirigée par un homme d'expérience trouve un acheteur sur sa zone. Si la société se situe entre 10 et 20 M Eur, les cessions sont interrégionales et au-delà de 50 M Eur, on trouve souvent les acheteurs à l'international. C'est le cas du salaisonnier Polette cédé récemment au groupe suisse Bell, ou encore de Soléou/Agroazur (huiles et olives) vendu à l'italien Carli.
Pour cette année 2008, nous devrions réaliser entre 25 et 30 cessions (contre 18 en 2007 et 12 en 2006). En 2009, on cible 40 transmissions dont une dizaine avec des groupes étrangers. Nous avons déjà des bureaux ouverts en Espagne et en Suisse, et au Portugal. Avant la fin de l'année, nous en aurons deux de plus en Italie et au Bénélux. Début 2009, ce sera au tour de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne. L'idée est d'avoir une bonne couverture sur la France et les pays limitrophes et ensuite d'aller beaucoup plus loin avec des partenariats aux USA, au Canada et en Asie.
LM : Vous avez beaucoup d'entreprises à la vente dans votre portefeuille ? Quel pourcentage arrivez-vous à céder ?
J.V. : Nous comptons plusieurs centaines d’entreprises. Notre pourcentage de réussite est important sachant qu'il faut au minimum une année pour qu'une entreprise trouve preneur. Un capital-risqueur traite deux entreprises sur 100 dossiers consultés. Nous sommes bien au-dessus et nous allons améliorer nos résultats.
LM : Quel type de PME se retrouve dans votre portefeuille ?
J.V. : La plupart ont des dirigeants entre 55 et 65 ans. Autrefois le fils ou la fille reprenait la suite, aujourd'hui ils n'ont pas de succession, une taille souvent trop petite (de 5 à 20 M Eur), une forte dépendance à la grande distribution. Pour faire de l'export, il faut aujourd'hui être certifié BRC et ils n'ont pas toujours les moyens de le faire. Pour ces entreprises, trois choix se présentent : se rapprocher d'autres PME, vendre ou disparaître. Le ticket moyen des PME que nous avons en portefeuille se situe entre 10 et 30 M Eur. 25% des sociétés que nous avons à vendre sont des grossistes ou des distributeurs.
LM : Quelle conséquence aura la crise financière sur votre activité ?
J.V. : Beaucoup d'entreprises vont se mettre en vente et on va assister à un assouplissement des prix demandés par les vendeurs. C'est malheureux à dire, mais la crise va nous être très favorable. 2009 et 2010 devraient être exceptionnellement bonnes. Nous avons le cas par exemple d'une société italienne (plus de 50 M Eur de CA), spécialisée dans les produits laitiers, dont le patron sans succession vient de nous dire qu'il souhaitait profiter un peu de la vie et vendre tout de suite. Aujourd'hui les grands groupes, dont la croissance interne est quasi nulle, sont acheteurs. Anticipant une levée des contingents d'importation et des droits de douane en Suisse d'ici 2011, une dizaine de beaux groupes helvétiques prennent les devants et cherchent à développer leur couverture de territoire.
LM : Un secteur sera-t-il plus touché que d'autres par la crise ?
J.V. : Oui, la viande et la charcuterie. La viande parce qu'il commence à y avoir une concentration telle que Bigard se trouve en situation de quasi-monopole. En charcuterie, on assiste à une baisse de la consommation et les patrons, longtemps centrés sur la production, n'ont pas toujours le profil idéal (à la fois très grands gestionnaires et très grands commerciaux) pour résister.
LM : Comment évolue le profil des acheteurs ? Pensez-vous que les fonds étrangers vont continuer à s'intéresser à l'agroalimentaire français ?
J.V. : Les acheteurs sont surtout de grands groupes étrangers. Les capital-risqueurs seront encore intéressés même si la valorisation des entreprises (basée sur l'EBITDA) va baisser cette année. Nous sommes par exemple en négociation avec un fonds hollandais pour acheter un groupe français.