Crise de la FCO : la filière viande exprime son ras-le-bol
Un sentiment de ras-le-bol s’est manifesté, la semaine dernière au Sommet de l’Élevage, lors du colloque d’Interbev sur « Un nouveau contexte pour l’élevage bovin européen ». Des représentants de la filière française, espagnole et italienne ont souligné l’ampleur de la crise de la fièvre catarrhale. « Beaucoup d’entreprises sont en difficulté. Il va y avoir de la casse », a mis en garde Jean-Claude Crassat, président de la commission Import Export à la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB).
L’opérateur a signalé des distorsions en matière sanitaire. Selon ses informations, des échanges de bovins entre zones à statuts identiques ont lieu, depuis deux semaines, de l’Allemagne vers Espagne, sans prise de sang, sans vaccination. Les éleveurs français restent quant à eux avec des petits veaux sur les bras, à des niveaux de prix « dérisoires ». « On en a marre de cette gestion sanitaire aberrante », a-t-il protesté. Autre cas de figure, deux éleveurs espagnols distants de 6 kilomètres, l’un en Catalogne, l’autre en Aragon, sont récemment allés chercher leurs bêtes à l’estive avec le même camion. L’administration leur a signifié l’existence d’une barrière sanitaire entre les deux régions, qui a finalement été levée deux jours après. « Ces contraintes sanitaires coûtent très cher. Les entreprises ne pourront pas les supporter longtemps », a-t-il martelé.
Gestion « suicidaire »
Pour Ismael Hernández, de l’association espagnole de producteurs Asoprovac, l’UE a besoin d’une « stratégie uniforme » et les administrations doivent « se faire confiance ». Patrick Bénézit, président du berceau des races à viande, a lui jugé « suicidaire » de maintenir la politique sanitaire actuelle, basée sur des zones réglementées. « La maladie s’arrêtera où et quand elle voudra. Il faut cesser de tout déléguer aux scientifiques », a-t-il précisé. Un avis partagé, de l’autre côté des Alpes, par les industriels italiens et leur représentant François Tomei. « Ça ne sert à rien de dépenser autant d’argent pour contrôler une maladie qui n’a rien d’extraordinaire, a-t-il estimé. On n’arrivera jamais à l’éliminer. Les autorités doivent mettre toute l’UE en zone de restriction et rouvrir tous les échanges. »
La situation économique de la filière justifie, aux yeux des éleveurs, une évolution de la Pac. « Une aide spécifique est indispensable pour maintenir l’élevage, vu la hausse durable du prix des matières premières », a jugé Patrick Bénézit, en soulignant l’importance du secteur sur le plan de l’emploi, de l’aménagement du territoire, de la lutte contre les incendies ou encore du commerce extérieur. Le vice-président de la FNB Guy Hermouet s’est lui déclaré très inquiet pour l’élevage dans les zones convertibles. Comparé aux grandes cultures, le secteur offre une rentabilité pour le moins aléatoire, qui suscite des interrogations chez les jeunes et refroidit les banques.
Le colloque a aussi été l’occasion de se pencher sur les évolutions du marché. « On ne pourra pas échapper à la question de la structuration de l’engraissement en France », a déclaré Philippe Chazette (Coop de France), en considérant la baisse des exportations d’animaux maigres vers l’Italie. Guy Hermouet s’est soucié de l’amélioration de l’équilibre matière, qui permet de bien valoriser les carcasses, et a souligné le rôle de l’interprofession dans ce domaine. De son côté, François Tomei a parlé d’étiquetage, en défendant l’idée d’une indication « origine UE » à la place de celle du pays.