Contes de Noël
A l’heure où nous écrivons ces lignes, la cinquantaine de taureaux camarguais échappés d’une manade courraient toujours. La sous-préfecture d’Arles avait bien décidé la semaine dernière l’envoi sur place de génisses en chaleur pour attirer les égarés, mais l’opération a fait chou blanc. Il faut dire que ce procédé moderne de récupération était voué à l’échec : la moitié des taureaux était des animaux castrés. L’histoire a fait les choux gras de la presse, comme celle du renne Rigmor, échappé d’un cirque proche du Bois de Boulogne le jour de la Saint-Nicolas. Celui-ci n’a pas pu jouir longtemps de sa liberté retrouvée. Après une journée de promenade, il a été vulgairement rattrapé par des pompiers manquant de sensibilité. A une époque où la technologie tend à bannir toute forme d’imprévu, ce genre de faits divers flatte la rêverie des populations urbaines. Et rappelle à tout un chacun que fort heureusement, il existe des moments rares où la vie sort de lignes déjà toutes tracées. Le problème, c’est que très vite, les taureaux et le renne sont devenus intouchables aux yeux d’une population ayant un peu perdu le contact avec les réalités de la nature. L’idée qu’on puisse les exécuter relevait du blasphème. Il y a quelques semaines, des écologistes ont organisé une manifestation dans les Pyrénées pour protester contre «l’assassinat» de l’ourse Cannelle par un malheureux chasseur. En signe de solidarité avec un animal auquel ils n’ont manifestement jamais été confrontés, les protestataires avaient choisi d’émouvoir les observateurs en brandissant de jolis ours en peluche.