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Comment la géostratégie influence les productions animales

L'élevage serait l’un des grands fléaux de l'environnement, d'après la FAO. En abordant le sujet sous l'angle géostratégique, on voit que le Brésil concentre vers lui bon nombre des critiques.

 

Plusieurs mois après sa publication, un rapport incendiaire de la FAO Livestock's long shadow : environnemental issues and options continue d'agiter la sphère de l'élevage. L'Association française de zootechnie a donné mercredi la parole à des experts pour qu'ils en fassent l'analyse critique. Une question centrale a servi de fil conducteur au colloque : « L'environnement va-t-il remettre en question les activités d'élevage ? » Dans notre édition du 2 mars, nous avons déjà relayé la réponse de l'Institut de l'Elevage. C'est sous un angle plus géostratégique que deux enseignants à AgroParisTech ont apporté la leur. « L'ambition de nourrir le monde s'est éteinte pour ma génération,a témoigné le professeur Jean Lossouarn . Aujourd'hui, l'agriculture et l'élevage n'ont pas bonne presse. Un formidable défi s'offre aux agronomes : nourrir en respectant le milieu. »

Une carte des effectifs porcins dans l'UE symbolise l'importance de la géostratégie. De fortes concentrations apparaissent notamment en Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Danemark. « Les porcs sont arrivés derrière les ports », a-t-il résumé habilement. Autre exemple, avec la localisation des surplus et déficits en viande dans le monde. Des zones excédentaires en bœuf existent dans les prairies américaines, la pampa brésilienne, certaines régions européennes ou australiennes. Elles sont différentes pour la volaille, avec des surprises, comme au Pérou.

Pour la viande de porc, la Chine apparaît déficitaire, malgré sa place de premier producteur mondial. Le rapport de la FAO contient aussi une carte mondiale des surplus et déficits de soja pour l'alimentation animale. Dans le Middle West américain, au Brésil, en Argentine, la situation est excédentaire. C'est l'inverse dans l'UE ou la Chine. Tout cela entraîne une circulation des produits. Jean Lossouarn a également mis en exergue le développement plus rapide des monogastriques par rapport aux ruminants. Sur le plan de l'environnement, il a distingué en Europe des zones d'importante production d'azote par le bétail ou d'utilisation intensive d'engrais.

Son collègue Thierry Bonaudo s'est focalisé sur le Brésil. « Le monde rural est parcouru par deux fronts pionniers qui progressent vers le nord du pays, a-t-il signalé. Un front de défrichement et de conquête en Amazonie, loin des infrastructures, concerne l'élevage bovin extensif. Dans le Centre-Ouest, un front de modernisation et d'intégration verticale, de capitalisation, vise l'élevage hors sol. »

Déforestation en Amazonie

La déforestation en Amazonie vaut à l'élevage bovin d'être pris pour cible principale du rapport de la FAO. Cet argument est même repris à l'OMC par des producteurs européens, qui veulent faire obstacle au zébu sur leurs marchés domestiques. « 80 % des surfaces déforestées en Amazonie le sont à cause de l'élevage,a assuré le professeur de l'ex Ina Paris-Grignon. Le but poursuivi n'est pas forcément de produire, mais d'occuper l'espace. » En moyenne, 1,5 million d'hectares par an subissent une déforestation. Le changement d'utilisation des sols est responsable de 75 % des émissions totales de CO2. Comme élément de défense, les Brésiliens soulignent qu'il reste 80 % de forêt en Amazonie.

« Le Brésil a vocation à utiliser son énorme potentiel de production », a jugé Thierry Bonaudo. Vue la concentration des grandes villes sur la côte, de grands espaces libres existent au centre du pays. Le soja, qui est la principale culture, en a profité. De quelques milliers d'hectares dans les années soixante, il est passé à 23 millions.

La volaille, comme le soja, s'est implantée dans de nouvelles zones de production, profitant de terres abondantes, peu chères, et de conditions agroécologiques supérieures. Sa répartition est moins homogène que celle des bovins. Le bétail profite du climat équatorial, et d'une pousse d'herbe à longueur d'année. Il colonise le nord, grignotant la forêt amazonienne. Ce tableau invite à réfléchir à de nouvelles articulations entre agricultures, milieux et sociétés.

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