Céréales : paradoxe et confusion sur le marché
En une demi-journée, entre la matinée et la soirée du 11 courant, les prix du blé sur le marché physique ont progressé de 10 euros à la tonne pour atteindre 196 euros rendu Rouen. Ils ont suivi en celà les évolutions brutales des marchés à terme, celui d’Euronext s’étant engouffré dans la tendance dictée par Chicago.
Alors que les prévisions du dernier bilan prévisionnel de l’ONIGC et celles de de la Commission et de l’USDA laissent clairement envisager une exceptionnelle récolte nationale, européenne et mondiale de blé et de plus larges disponibilités avec une sensible remontée des stocks mondiaux, cette brutale flambée des cours laisse perplexe. Son explication peut se trouver dans un weather market stimulé à la hausse par la persistance des intempéries dans le Midwest américain et dans un retour accéléré des intervenants, hors opérateurs céréaliers, sur les marchés des matières premières, devant la dégringolade des marchés d’actions. Que les précipitations persistantes aux Etats-Unis compromettent -surtout sur le plan qualitatif- une partie de la récolte américaine, elle favorisent d’autres producteurs comme l’Australie. La Russie et l’Ukraine vont retrouver un fort potentiel de récolte et d’exportation ; et la récolte de l’UE est prévue à plus de 140 Mt, soit quelque 20 Mt de plus que l’an dernier, dont + 6 Mt pour la France qui, en outre, va attaquer la nouvelle campagne avec un stock de report de blé de plus de 3 Mt.
L’explication la plus crédible à cette brusque hausse des cours réside sans doute dans le risque d’un déséquilibre négatif du marché du maïs américain dû à une plus forte dégradation que prévu des cultures outre Atlantique.
Paradoxe : des récoltes abondantes annoncées
La réaction de Chicago est, dans ces conditions, somme toute logique, sa répercussion sur le marché céréalier européen, donc français, est plus contestable tout comme une excessive globalisation des marchés.
Si l’on considère le seul marché physique européen du maïs, et bien qu’il soit encore trop tôt pour apprécier objectivement le volume probable de la récolte, il se présente sous des auspices autrement plus favorables que l’an dernier avec une récolte européenne envisagée par Bruxelles à 59 Mt, soit 11 Mt de plus qu’en 2007. La France, pour sa part, disposera en outre d’un stock de report prévu par l’ONIGC à 2,8 Mt, 47 % de mieux qu’à l’issue de la campagne 2006/2007.
Dès lors, l’Union européenne ne devrait en principe, pas avoir à recourir aux importations pharaoniques enregistrées cette campagne (pratiquement le triple de l’an dernier). La France dont les ventes de maïs à l’UE ont baissé cette campagne de près de 20 % pourrait reconquérir son rôle traditionnel de fournisseur privilégié de ses partenaires communautaires en y trouvant une rentabilité fondée sur de vrais courants commerciaux. Car le plus grand risque serait une excessive connexion entre un marché physique équilibré et un marché mondial abusivement spéculatif.