Ceci n’est pas un édito
Les étiquettes des produits alimentaires sont en train de s’apparenter de plus en plus au célèbre « ceci n’est pas une pipe » du tableau surréaliste de Magritte. Au rythme auquel évoluent le marketing et la réglementation, on ne lira plus simplement « bœuf » sur l’emballage de son entrecôte mais une série d’allégations et de contre-allégations qui pourraient ressembler à la phrase suivante : « ceci est un produit riche en oméga 3, pauvre en sucre, pauvre en sel, mais riche en matière grasse. Il ne contient pas de fibre, ne contribue pas à réduire le cholestérol, mais est néanmoins recommandé dans le cadre du plan national nutrition santé, à condition d’être consommé avec modération. Cuit à cœur, il peut entrer dans le cadre du régime des femmes enceintes ». Évidemment, la profusion des « messages » favorables concoctés par les industriels et des contre-feux mis en place par la réglementation française et européenne (lire LM du 18 mai) risque de rendre le tout à peu près illisible. Et de faire oublier l’essentiel : que, contrairement à la référence au tableau de Magritte, ceci est bel et bien une entrecôte, que c’est plutôt très bon avec des petits légumes et qu’accessoirement, c’est fait pour être mangé. Mais l’étiquetage (on allait dire l’enrobage) est un fameux instrument inventé par le législateur pour se dédouaner de certaines responsabilités. Cette semaine, les parlementaires ont voté en faveur d’une disposition de la loi sur l’eau précisant que « la publicité sur les produits biocides et phytosanitaires ne doit comporter aucune mention pouvant donner une image exagérément sécurisante ou de nature à banaliser leur utilisation». Ce sont les cabinets d’avocats qui doivent se frotter les mains.