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Cartel des yaourts : l'ami d'un jour peut couper court

L'Autorité de la concurrence rappelle sévèrement aux industriels laitiers que le poids de la grande distribution ne justifie pas une entente entre ses fournisseurs.

Par sa décision du 11 mars 2015, l'Autorité de la concurrence a donc lourdement sanctionné une dizaine d'industriels du secteur laitier pour s'être entendus sur les prix et les volumes des yaourts commercialisés sous marques de distributeurs entre 2006 et 2012. Le montant total des sanctions prononcées – l'un des plus importants à ce jour – est de 192,7 millions d'euros, la sanction individuelle la plus lourde s'élevant à 56,1 millions d'euros.

Cette décision fait suite à une procédure engagée sur dénonciation de Yoplait, puis de Senagral (Se-noble), participants à l'entente, mais qui l'ont dénoncée avec suffisamment de détails pour prétendre bénéficier du programme de clémence existant en la matière. Et effectivement, Yoplait a obtenu une immunité totale d'amende (alors qu'elle encourait une sanction de 44,7 millions d'euros), et Senagral, qui n'a coopéré qu'en second rang et après une première intervention de l'Autorité, a bénéficié d'une réduction de 35 %.

Dommage à l'économie relativisé

Les pratiques consistaient, selon l'Autorité, en des réunions dans des hôtels, des cafés-restaurants ou au domicile des participants. L'un d'eux aurait même eu recours à un téléphone portable « secret », spécifiquement dédié à l'entente. Elles auraient porté sur une coordination des prix et des augmentations tarifaires qui étaient annoncées à la grande distribution et sur les arguments permettant de justifier ces hausses, en particulier l'augmentation des prix du lait ou des fruits du fait des conditions climatiques. Par ailleurs, certains participants auraient conclu des pactes de non-agression, consistant à se répartir les volumes et à geler les parts de marché des uns et des autres, faussant ainsi les appels d'offres lancés par la grande distribution. L'Autorité a considéré que ces pratiques étaient particulièrement graves et avaient notamment engendré au détriment du consommateur un surprix qu'elle évalue de 6 % à 10 % pour la période 2006-2009. Mais elle a également constaté que le secteur des produits laitiers frais était caractérisé par une forte dépendance des fabricants vis-à-vis de la grande distribution (spécialement pour les produits sous MDD) et que la volatilité des prix des matières premières et le pouvoir de négociation des distributeurs avaient été de nature à atténuer le dommage causé à l'économie.

Comme elle l'avait fait dans sa décision « endives », l'Autorité relativise donc le dommage à l'économie, mais n'en sanctionne pas moins lourdement pour autant. Par ailleurs, certaines des pratiques sanctionnées ayant présenté une gravité moins forte que d'autres, l'Autorité a appliqué une réduction permettant de diminuer l'amende en fonction du degré de participation individuelle de chaque entreprise à l'entente. Toutefois, la sanction de Lactalis a été augmentée de 25 % compte tenu de la taille et de la puissance économique de ce groupe.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d'avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de 200 personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de la Réunion), il réunit près de 70 avocats et juristes à Paris. Il dispose également d'un bureau à Bruxelles et à Beyrouth. Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l'agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine – 40, rue de Courcelles - 75 008 Paris – www.racine.eu

La clémence existe aux États-Unis depuis 1978

Cette lourde condamnation illustre une nouvelle fois la grande sévérité de l'Autorité s'agissant des pratiques concernant les produits de grande consommation, et en particulier les produits alimentaires, même lorsque les distributeurs détiennent un fort pouvoir de négociation dont certains se demandent s'il n'est pas, en lui-même, excessivement restrictif de concurrence. Un deuxième enseignement à tirer est l'efficacité redoutable de la procédure de clémence qui n'existe en France que depuis 2001 où elle génère, avec sa connotation de délation, un réel malaise. Ce malaise n'existe pas aux États-Unis, qui la connaissent depuis 1978, et il n'est pas indifférent que la dénonciation ait été ici l'œuvre d'une entreprise qui venait de passer sous contrôle de l'américain General Mills : l'acquéreur, sans doute informé dans le cours de la procédure d'acquisition, n'a pas hésité à utiliser cette procédure pour apurer un risque de sanction et profiter d'une exonération totale. Il faut, plus que jamais, se méfier de ses amis, qui peuvent devenir de redoutables ennemis, surtout à l'occasion d'un changement d'actionnariat.

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