Carrefour mise sur la transparence avec « Origine et Qualité »
Virginie Haxaire, directrice de la fromagerie Haxaire à Kayserberg ; Yves de la Fouchardière (à dte), DG des Fermiers de Loué étaient présents à la conférence de lancement de la démarche « Origine et Qualité », animée par Noël Prioux (au centre), DG Carrefour France.
Si la volonté est louable, et l'aspect qualitatif important, la mise en place de la nouvelle marque « Origine et Qualité » de Carrefour pose quelques questions. C'est en 1992, à l'initiative de Gabriel Binetti que naissaient les premières Filières Qualité Carrefour (FQC), animées par un esprit ” terroir. Depuis, l'enseigne a mis en place « Engagement Qualité Car-refour » (EQC).
“ Le consommateur veut savoir de façon simple quels sont les “ plus ” produits
À partir d'aujourd'hui, la démarche « Origine et Qualité » prend la suite sur les produits frais avec les mêmes critères de base auxquels l'enseigne rajoute des éléments complémentaires. Par exemple : l'absence d'antibiotiques, la lutte intégrée, l'absence de traitements chimiques après récolte, la rotation des cultures, le plein air, les conditions de transport, l'interdiction d'épandage des boues, l'absence d'OGM, etc.
En accord complet avec l'agroécologie prônée par le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll. Le cahier des charges de l'ensemble des produits concernés sera contrôlé par un organisme d'inspection indépendant. La communication est axée sur trois critères: le goût et le plaisir ; des produits sains et d'une extrême fraîcheur; et un ancrage territorial fort.
À la suite d'une étude consommateurs« C'est à la suite d'une étude consommateurs que nous avons pris la décision », précise Bruno Lebon, directeur produits frais de l'enseigne. « Le consommateur veut savoir de façon simple quels sont les “ plus ” produits. Or avec FQC et EQC, le consommateur ne comprenait pas le sens de notre offre. Avec Origine et Qualité, nous répondons à son attente en lui apportant à la fois la traçabilité de l'origine et le goût de la qualité », détaille-t-il. Mais, entre les souhaits des consommateurs et la réalité du passage en caisse, il peut y avoir une marge. L'avenir dira si l'enseigne a raison ou si le portefeuille du consommateur en période de crise reste fermé pour des gammes de produits plus chers.
Parmi les produits sous Siqo inclus dans la gamme Origine et Qualité, l'un d'entre eux mérite une attention particulière. Le Miel de Corse produit par un apiculteur, Bastien Bizon, qui pratique une apiculture « transhumante et pastorale ». Il propose trois catégories de miels : Maquis de printemps, Châtaigneraie et Miellats du maquis qui lui permettront en fonction du calendrier de figurer parmi les produits frais. Cet apiculteur fait voyager ses abeilles selon les saisons sur des terroirs différents en zones sauvages, préservées de pesticides et dont les floraisons sont spontanées et naturelles. Après récoltes, ces miels feront l'objet d'analyses physico-chimiques et sensorielles avec des experts et des dégustateurs agréés par l'Inao pour vérifier leur goût, leur conformité et leur qualité.
Quand on examine les contraintes de production du cahier des charges, le prix du produit ne peut être que plus élevé. Alors quid de la marge? Les producteurs présents à la conférence de lancement avaient pourtant l'air ravis! «Je suis à ma place ici», annonçait avec fougue Virginie Haxaire, directrice de la fromagerie Haxaire à Kayserberg, fabricant de munster AOP. «En tant que maillon de la chaîne, nous sommes tous amoureux de la démarche». Il faut dire que Carrefour s'engage sur un contrat de trois ans avec les producteurs, ce qui faisait dire à Yves de la Fouchardière, directeur général des Fermiers de Loué, présent pour la filière œufs plein air : « Tout le monde sait ce qu'un contrat de trois ans veut dire. Moi je pars sur un bail de 3, 6 et 9 ans !»
En temps de crise, on peut s'interroger sur l'avenir d'une telle démarche, alors que les autres distributeurs misent sur la communication concernant les produits «low cost»: les comparateurs de prix vont jouer leur rôle. Quelle sera l'attitude du consommateur? Certes le cahier des charges est attirant mais à quel prix ?
Le positionnement de « Reflets de France »Carrefour a déjà dans sa segmentation une gamme terroir représentée par sa marque « Reflets de France» dont l'image qualitative et terroir est très bonne. La gamme est transversale sur de nombreux produits frais ou appertisés et les produits sont distribués dans l'ensemble des magasins hyper, super et de proximité. Comment va réagir le consommateur face à un doublonnage évident? Prenons un exemple avec le camembert de Normandie présent dans les deux gammes : l'affinage est identique, 35jours, soit 14jours de plus que le dernier cahier des charges de l'AOP, moulé à la louche manuellement. Celui d'«Origine et Qualité » propose en plus le lait cru provenant de vaches de race normande. En termes de prix : 2,95 euros pour « Reflets de France» et 3,95 euros pour «Origine et Qualité ». Idem pour la tomme de Savoie au lait cru. Il existe un risque évident d'incompréhension de la part du consommateur.
Les professionnels des Siqo mécontentsCertains producteurs sous signes officiels d'origine et de qualité (Siqo) se sont lancés tout de suite dans la démarche (environ 25 sur 87 produits représentés). Mais la plupart des professionnels des signes officiels d'« Origine et de Qualité » et leurs organisations s'émeuvent de cette démarche qui utilise une terminologie couramment employée pour qualifier les produits signés officiellement dans le cadre de l'Inao et du ministère de l'Agriculture, et est utilisée dans le propre logo de l'institut. Ils craignent une confusion notoire qui laisserait à penser au consommateur que la marque de Carrefour « Origine et Qualité » est de même nature qu'un signe officiel, c'est-à-dire défini et contrôlé par les pouvoirs publics. Ce lancement est d'autant plus surprenant que des négociations étaient en cours et qu'une suite à ces pourparlers était décidée. Carrefour semble, ainsi, avoir « oublié » cette deuxième phase et a organisé son lancement alors que les négociations n'étaient pas finalisées. Ce qui ne devrait pas plaire à l'Inao.