Bruxelles ne vise pas l’indépendance alimentaire
A quelques semaines de l’entrée en vigueur de la nouvelle Pac dans plusieurs États membres, l’inquiétude reste forte dans le secteur de la viande. Un colloque organisé mardi par l’Institut de l’élevage a confirmé les sombres perspectives en matière de production bovine. L’intervention de Laars Hoelgaard, directeur des Produits animaux à la Commission européenne, a apporté une autre vision de la situation. Selon lui, Bruxelles n’a pas forcément comme pour objectif d’assurer une indépendance alimentaire dans tous les secteurs de production.
« Le déficit en viande bovine dans l’Union européenne est-il une mauvaise chose ?s’est-il interrogé. Demandez à la société. Le consommateur dispose d’un choix élargi avec le bœuf du Brésil, de l’Argentine ou de l’Australie. En ovins, on reçoit de très bons produits de la Nouvelle-Zélande, à bas prix ». Ses propos venaient en réponse à Pierre Chevalier, président de la Confédération nationale de l’élevage (CNE), qui s’alarmait d’une perte d’indépendance alimentaire dans ces deux secteurs. « Pour pouvoir exporter, il faut importer, a poursuivi Laars Hoelgaard. Vaut-il mieux exporter de la viande bovine ou des Airbus, des Peugeot ? On ne peut pas discuter de politique agricole de manière isolée. La société veut limiter les dépenses budgétaires».
Prix des importations
Le Français Bruno Hot, de la direction des politiques économique et internationale (DPEI), a tenu à mettre en garde la Commission sur le niveau de prix des importations. « Bruxelles doit veiller à ce que les produits importés répondent aux règles loyales de concurrence sur le bien-être animal ou l’environnement », a-t-il déclaré. Pour Jean-Claude Guesdon, de l’Institut de l’élevage, la menace se fait de plus en plus précise. « Quand l’Union européenne importera-t-elle des prix bas ? s’est-il demandé. Les prémisses d’un changement sont là. Un virage des viandes du Mercosur vers la viande fraîche en grande distribution est en train de s’opérer. On le voit en ce moment sur le marché italien». Pierre Chevalier a proposé comme solution la mise en place d’accords entre les éleveurs et la filière. De tels accords, entre producteurs français d’animaux maigres et engraisseurs italiens, viennent d’ailleurs d’être conclus, a-t-il signalé. « Il faut définir le coût réel du Jeune Bovin, pour que le producteur gagne sa vie, a-t-il dit. Sinon, les éleveurs arrêteront d’engraisser et il faudra importer des barquettes de viandes toutes prêtes en provenance du Mercosur ».
Les intervenants des principaux pays producteurs européens n’ont guère été rassurants sur les perspectives en matière d’offre de viande bovine. Kevin Hanrahan, d’un institut de recherche irlandais, table sur une baisse de 17 % du nombre de bovins en Irlande suite à la réforme de la Pac. Pour l’Italie, l’économiste Kees de Roest, du Centre de recherche d’Emilie-Romagne, prévoit une stabilité de la production de JB et une baisse du cheptel allaitant. Un important recul des vaches nourrices se dessine également en Allemagne, selon Bernhard Schlindwein, de la fédération de producteurs DBV.