Boiron Frères verrouille ses approvisionnements

> Alain Boiron, président-directeur général de l'entreprise.
LMH : Qu'a de particulier cette nouvelle variété de pêches ?
Alain Boiron : La variété que nous avons sélectionnée avec la Sefra (Station d'expérimentation fruits Rhône-Alpes) a demandé plus de trois ans de travail. Il s'agit de la pêche bellerime, une variété rustique oubliée dans notre région qui préfère cultiver des pêches de table. Sa coloration donne une purée légèrement rosée, sa texture après cuisson offre une mâche généreuse, et son profil aromatique est équilibré entre acidité et sucré, ce qui lui permet de s'incorporer facilement dans des préparations pâtissières, des cocktails ou encore des glaces. Nous avons planté, en association avec les coopératives Lorifruit et Rhoda-Coop, 4,5 ha de vergers qui donneront à terme 130 t de fruits par an. La première récolte aura lieu dans trois ans.
LMH : Pourquoi préférez-vous vous associer avec des producteurs plutôt que d'acheter sur les marchés internationaux ?
A. B. : Les cours mondiaux des fruits sont volatils. Un cours peut facilement augmenter de 30 % d'une année sur l'autre. Et les aléas climatiques ne sont pas les seuls responsables. À cela, s'ajoutent les phénomènes économiques locaux, les crises diplomatiques comme celle de l'embargo russe, et évidemment les tendances de consommation. Notre clientèle est avant tout à la recherche de produits de qualité dont les curseurs (prix, saveur, arôme…) sont constants. Pour ce faire, nous devons travailler dans une logique de partenariat avec l'amont de la filière. Nous avons signé avec les producteurs des contrats où nous nous engageons à acheter la totalité de la récolte durant toute la durée de vie de la plantation, soit une quinzaine d'années, à un prix fixe. De notre côté, nous verrouillons une partie de nos approvisionnements autant en quantité qu'en qualité pour au moins 15 ans ; et pour les arboriculteurs partenaires nous leur assurons une partie de leurs revenus durant le même laps de temps. Par ailleurs, nous leur avons apporté une participation financière à l'achat des plants, aux systèmes d'irrigation et aux protections antigrêle.
LMH : Cette stratégie va-t-elle se développer sur d'autres filières ?
A. B. : Il est un peu tôt pour le dire, mais c'est notre volonté. Nous devons identifier les productions sensibles et cultivables sur notre sol. 20 % de nos approvisionnements sont français. Les fruits de verger (pêches, pommes, poires, abricots…) viennent de Rhône-Alpes, et le cassis est 100 % français. 80 % des 12000 t que nous traitons par an proviennent de l'étranger : les agrumes viennent du bassin méditerranéen, les fruits tropicaux d'Asie et les fruits rouges d'Europe de l'Est. Notre stratégie d'approvisionnement passe également par des prises de participation dans des structures agricoles à l'étranger. Nous sommes, par exemple, actionnaire d'une société en Serbie où nous achetons une partie de nos petits fruits rouges. Et enfin, nous anticipons les fluctuations du marché en travaillant beaucoup sur stock.
La société en chiffres clés Créé en 1942 par la famille Boiron
60 millions d'euros de chiffre d'affaires
100 collaborateurs
12000 tonnes de produits commercialisés par an dans
75 pays
LMH : Comment voyez-vous l'avenir de votre entreprise ?
A. B. : Nous sommes confiants, car les indicateurs du marché sont au vert. La consommation de pâtisserie, de cocktails et plus généralement de produits sucrés se développe dans le monde. Notre marché est encore très atomisé avec plus d'une dizaine de fournisseurs au niveau mondial, et nous n'observons pas de concentration, ce qui laisse présager des perspectives de croissance encore importantes. Nous développons constamment de nouveaux produits pour couvrir l'ensemble des besoins de notre clientèle, tels des semi-confits, des purées de légumes et de nouvelles saveurs comme l'argousier.