Biocarburants : quelles conséquences pour l'élevage ?
Veau, vache, cochon, couvée : toutes les productions animales subissent de plein fouet la hausse des matières premières. Non seulement directement dans leurs achats d’aliments, mais aussi par la recomposition des productions qu’elle semble demander : le nombre de voix demandant la réduction de la consommation des produits animaux dans le monde occidental dépasser le courant végétarien voire écologiste (cf. le 40 e anniversaire de France nature environnement, le 28 mars dernier) pour se répandre. La vraie question de la concurrence des usages des terres est sous jacente. « À 2 700 kcal par jour, la Terre est capable de subvenir aux besoins de sa population globale » résume Bruno Dorin, qui développe le modèle Agrimonde au Cirad, même s’il reconnaît qu’aujourd'hui, il reste difficile de connaître précisément les usages des terres dans l’ensemble des pays, les statistiques de la FAO restant les seules cohérentes.
Les biocarburants induisent aussi une recomposition des productions agricoles internationales. Mis en cause dans la flambée des prix des matières premières, ils sont également remis en cause par les productions animales, notamment la production laitière, à laquelle ils ne devraient guère apporter d’éléments positifs. Pour Jean-Claude Guesdon (Institut de l’élevage), qui s’exprimait lors de la journée AFZ (association française de zootechnie) du 10 avril, biocarburants et élevages de ruminants seront d’abord en concurrence pour les surfaces. « Pour satisfaire l’objectif de 7 % de la consommation des carburants en 2010, les agrocarburants ont besoin de 1,45 million d’hectares de colza pour le biodiesel et de 270 000 ha de blé, de maïs et de betterave pour l’éthanol. Soit 1,7 M ha ce qui représente 6,5 % de la surface agricole utile, donc 10 % des terres labourables : c’est bien plus que les 1 % trouvés par l’étude ONIGC ! » détaille l’économiste. Alors, si ces produits concurrencent l’élevage dans les espaces, vont-ils lui apporter d’autres sources de matières premières ?
Aux Etats-Unis, l’exemple de l’Iowa
Actuellement, les bovins consomment environ 840 000 t de tourteau de soja et 1 M t de tourteau de colza. Or, 840 000 t de tourteau de soja équivalent à 1,26 M t de tourteau de colza car ce dernier est moins riche en protéines. En comptant une partie de consommation par les monogastriques, l’élevage français est donc capable d’ingérer toute la production de tourteau de colza produite en plus. Mais cela ne se fera pas au bénéfice des élevages car le prix du colza est lié à celui du soja : ils n’ont donc aucun avantage économique à cette substitution. Pour Jean-Claude Guesdon, « le développement des agrocarburants est un facteur de dépendance croissante de l’élevage à l’égard des prix du pétrole ». Les enjeux pour l’élevage sont de deux ordres, selon lui. Tout d’abord -Jean-Claude Guesdon ne considère pas celui-ci comme le pire- : la hausse des coûts de production entre les postes traditionnellement liés au coût de l’énergie comme l’achat de carburants, d’engrais, de phytosanitaires et les nouveaux postes, notamment l’achat d’aliments par manque de surface en herbe. Le pire sera, selon le spécialiste, la réorientation des systèmes de production. « La moindre place laissée aux productions animales : en clair, l’herbe est encore une fois menacée ». Et le maïs produit pour l’ensilage aussi.
L’exemple des Etats-unis est frappant. L’Iowa est le premier Etat producteur de maïs et de porcs. Or, le développement de la production d’éthanol recompose les consommations : ainsi, les bovins à l’engraissement tirent profit des drèches de distillerie comme les vaches laitières contrairement aux porcs. À terme, pour André Pflimlin (Institut de l’élevage) qui vient de réaliser une étude importante sur l’impact du développement des agrocarburants sur l’élevage aux USA, ils devraient accentuer le déplacement et l’augmentation de la taille des troupeaux vers des zones à moins forte densité de population donc vers l’Ouest, facilité par la fourniture de coproduits déshydratés. Cet éloignement des zones de consommation de produits laitiers devrait se traduire par des investissements industriels dans la préparation de produits plus faciles à déplacer… donc l’accentuation de la présence américaine sur les marchés d’exportations.