« Ayons une approche positive de l’industrie »
Les Marchés : Comment se présentent ces Assises de l’Alimentaire qui se tiennent ce mardi, à l’occasion desquelles vous comptez réunir 1000 industriels du secteur?
Jean-René Buisson : C’est une première et, comme toutes les premières, toujours un peu compliquée à organiser. Il y a dix jours, nous avions 450 inscriptions fermes, avec l’objectif de faire venir 700 industriels et donc près de 1000 personnes, en comptant l’ensemble de l’univers professionnel. Cette manifestation, j’aimerais qu’elle ait lieu tous les deux ans. Elle sera l’occasion cette année de faire connaître les résultats de deux sondages, l’un sur la perception de l’industrie alimentaire auprès du public et l’autre mené auprès des entreprises.
LM : Quel but poursuivez-vous avec cette initiative ?
J-R.B : De modifier notre attitude, souvent recluse à une position défensive et de faire valoir à l’opinion et aux pouvoirs publics l’importance du secteur agroalimentaire, premier secteur industriel français et premier contributeur à l’excédent commercial de la France. C’est la raison pour laquelle nous avons convié cinq ministres, dans notre environnement direct, y compris Nicolas Sarkozy, qui a négocié avec nos métiers quand il était ministre de l’Economie et s’est montré très présent lors de la négociation de la réforme de la loi Galland.
LM : Quel bilan tirez vous personnellement de vos deux ans de mandat ?
J-R.B : La principale affaire, c’est précisément la réforme de la loi Galland, qui a abouti à la loi Dutreil II. Nous avons obtenu que le rapport de force soit rééquilibré là où il ne l’était plus. Ce fut une tâche ardue, mais je pense que le bilan en est positif.
LM : L’industrie alimentaire est aujourd’hui la cible de nombreuses attaques, en raison du développement de l’obésité et des déséquilibres dans l’alimentation des Français. Ces critiques vous paraissent-elles fondées ?
J-R.B : Je voudrais d’abord dire que nous voudrions être considérés sur ce dossier comme des partenaires naturels, pas comme des adversaires par nature ou pire, comme des trafiquants de drogue. Il faut rappeler que l’alimentation en France est diversifiée et que l’industrie alimentaire française propose des produits de qualité, reconnus partout ailleurs comme des modèles. Cela n’empêche pas bien sûr que nous soyons conscients de la montée de l’obésité. Ces questions font partie intégrante aujourd’hui de la marche de notre industrie. Celle-ci entend être responsable, c’est la raison pour laquelle le principe de taxes me paraît inadapté.
LM : Pourtant, vous allez y être bientôt soumis, en tous cas si vous ne vous pliez pas aux messages nutritionnels imposés sur les publicités alimentaires ?
J-R.B : Oui, le décret sur cette question va bientôt sortir. Nous en avons discuté avec Xavier Bertrand, le ministre de la Santé. Le principe et le contenu des messages (Ndlr : « évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé », etc.) ne nous paraît pas satisfaisant. Il faut avouer que c’est un peu dur, notamment pour des PME, que l’on dénigre leurs produits et avec leur argent ! De manière générale, nous avons néanmoins encouragé nos entreprises à se tourner vers les messages nutritionnels plutôt que vers la taxation. Ils devraient être mis en place en février.
LM : En revanche, vous semblez avoir échappé à une autre taxe sur les produits gras et sucrés, celle qu’envisageait le professeur Hercberg dans son rapport sur le prochain Plan national nutrition santé (PNNS2) ?
J-R.B : Oui, le ministère semble y avoir renoncé. Encore une fois nous préférons la voie de la responsabilisation. C’est la raison pour laquelle l’Ania a créé une fondation (Ndlr : Alimentation et vitalité) pour la nutrition qui sera bientôt, je l’espère, reconnue d’utilité publique. Elle sera notamment centrée sur le financement d’actions en direction des jeunes. Plusieurs dizaines d’entreprises y adhèrent déjà et nous avons rassemblé plus d’un million d’euros. Notre objectif est de collecter à terme 6 à 7 millions d’euros, grâce à une contribution au prorata du chiffre d’affaires (0.02 % du CA sur trois ans). En agissant ainsi, nous voulons savoir comment et pourquoi est utilisé notre argent. La fondation comptera différents collèges, des entreprises, mais aussi des pouvoirs publics, des personnalités extérieures et des associations de consommateurs.
LM : L’une d’entre elles, l’UFC Que Choisir, ne semble décidément pas vous aimer et a publié récemment une étude montrant le lien entre la publicité destinée aux enfants et la surconsommation de certains produits…
J-R.B : Oui, et cela me donne l’occasion de dire qu’en l’occurrence nous l’avons prise les doigts dans le pot de confiture. La méthodologie utilisée était très contestable. Je peux d’autant mieux vous le dire qu’elle faisait référence à des publicités sur Danette (Jean-René Buisson est un ancien cadre de Danone, Ndlr) alors que Danette n’a fait aucune communication à destination des enfants en 2006 ! Sur le fond, nous contestons l’efficacité d’une interdiction des spots pour enfants. Deux pays ont pris des initiatives dans ce sens, le Québec dans les années 80 et la Suède plus récemment. Dans l’un et l’autre cas, on n’a relevé aucune différence significative dans l’évolution de l’obésité. Cela ne nous empêche pas de nous sentir concernés par cette question. Nous avons mis en place une charte de déontologie avec le Bureau de vérification de la publicité (BVP) sur l’apparition des enfants dans les films et elle est respectée. C’est plus efficace que l’attitude sectaire prônée par cette association.
LM : Quelle est aujourd’hui la représentativité de l’Ania ?
J-R.B : L’Ania est une fédération où presque tous les secteurs de l’alimentaire sont représentés. Nous avons enregistré avec satisfaction l’adhésion de Pernod Ricard (LM du 29/9), qui, nous l’espérons, en entraînera d’autres dans le secteur des vins et spiritueux, jusqu’ici peu représenté. Nous avons aussi des contacts avancés avec les secteurs de la viande et de la volaille. On n’en est pas loin…
LM : Attendez-vous une annonce particulière de la part du gouvernement à l’occasion de ces assises ?
J-R.B : Non pas particulièrement. Si, tout de même, un souhait : qu’il reconnaisse le rôle positif de l’industrie alimentaire, pas seulement pour l’économie, mais pour la sécurisation des produits que les Français consomment tous les jours.