Alimentation : les peurs existent toujours
Les peurs autour de l’alimentation ont été l’un des sujets phares du premier rendez-vous/débat d’un cycle sur l’alimentation lancé par Michel Barnier, qui s’est tenu hier à Paris. Si le terme de sécurité alimentaire est synonyme d’approvisionnement suffisant dans les pays du Sud, sa signification est tout autre dans les pays du Nord, où il est avant tout question de qualité (nutritive, gustative, sanitaire). Ce paradoxe s’exprime même à l’intérieur des nations, ou l’abondance ne signifie pas pour autant un équilibre alimentaire. « Alors que les industries agroalimentaires maîtrisent l’hygiène et la composition des aliments, nous observons un développement de l’obésité » note Olivier Andrault, chargé de mission alimentation au sein de l’UFC Que Choisir. Sur ce sujet, « l’étiquetage nutritionnel ne sert à rien, personne ne le comprend. Il faut travailler main dans la main avec les IAA, et ce travail est en bonne voie, avec les chartes d’engagement nutritionnel […]. Il ne faut pas légiférer, c’est aux industriels de faire des propositions, de s’engager. Si c’est bien fait, on autorise l’apposition d’un logo spécifique, qui est un plus marketing » poursuit le représentant de l’association de consommateurs.
De l’éducation alimentaire à la TV ?
L’équilibre alimentaire, basé sur la variété, devient difficile à obtenir, le consommateur étant de plus en plus stressé vis-à-vis des messages (vrais ou faux) qu’on lui délivre. Pierre Feillet, directeur de recherche émérite à l’Inra constate que le consommateur « entend dire que le lait peut être dangereux, et que manger des aliments cuits au barbecue provoque des cancers… ». Compte tenu du lien fort entre les Français et l’alimentation, une focalisation sur cette dernière « peut créer une perte de repères » a ajouté Pascale Briand, directrice générale de l’Afssa.
Les fruits et légumes, souvent mis sur le banc des accusés en matière de pesticides, sont l’exemple de cette hypermédiatisation, alors que les teneurs observées restent très souvent inférieures aux seuils à risque. Faire le tri des informations devient de plus en plus nécessaire, et un pas pourrait être franchi en ce qui concerne la publicité des produits alimentaires destinés aux enfants.
Présents au sein d’un groupe de travail mis en place par le ministère de la Santé sur le sujet, les médias ont ainsi proposé de diffuser des programmes d’éducation et d’information sur l’alimentation. Cette initiative est intéressante « si elle n’est pas réduite à un format trop court, calé entre les publicités » prévient Olivier Andrault, qui la soutient. Les discussions ne sont pas terminées, puisqu’en complément des retranscriptions prévues sur le site www.parlonsagriculture.com, deux nouvelles journées de débats sont prévues. Le 21 mai, l’agriculture à l’horizon 2030 sera au cœur des interrogations, tandis que ce cycle prendra fin le 3 juillet à Bruxelles, lors d’une dernière rencontre où participeront notamment Kofi Annan, Mariann Fischer Boel et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne.