Affaires à saisir sur le pôle de croissance de Bagré

Bruno Néouze, avocat associé au cabinet Racine de Paris.
Les Marchés Hebdo : Pourquoi les entreprises françaises devraient-elles s'intéresser au Burkina Faso ?
Bruno Néouze : Je me suis rendu au Burkina Faso et j'ai été étonné de voir que la France y est peu présente, alors qu'elle y a une très ancienne tradition de coopération. Et au contraire, la présence de la Chine y est très importante.
LMH : Avec le pôle de croissance de Bagré, le Burkina Faso souhaite développer l'économie locale et attirer les investisseurs étrangers. Pouvez-vous nous expliquer les contours du projet ?
B. N. : Avec le soutien de la Banque mondiale d'investissement, le pôle de développement Bagré prévoit la mise en culture de 25 000 hectares en première irrigation. Il s'agit essentiellement de céréales, mais aussi d'élevage et de culture maraîchère. L'attribution des terres se fait en commission mixte, État et privé. Le gouvernement a mis en place un environnement juridique qui permet d'obtenir une concession du foncier jusqu'à 99 ans. Il veut des retombées locales et la pérennité des projets. Une fois agréé, le porteur de projet a une « période de repentir » de trois ans durant laquelle il peut se retirer. Le projet Bagré s'étale sur la période 20102017 et toutes les terres ne sont pas encore attribuées, loin de là.
LMH : L'environnement juridique permet-il d'investir sans partenaire local ?
B. N. : Il y a beaucoup de souplesse et de latitude, sur le plan fiscal, avec des exonérations de douane ou un abattement sur les bénéfices et les plus-values, mais aussi au niveau juridique. Le gouvernement ne demande pas obligatoirement un partenaire local. En revanche, à projet égal, il aura peut-être tendance à favoriser l'entreprise locale ou le projet qui fait travailler de la main d'œuvre locale. Il n'existe aucune obligation d'utiliser telle ou telle forme juridique pour créer une structure.
LMH : Quels types d'investissement les entreprises françaises pourraient-elles y réaliser ?
B. N. : Il y a plusieurs possibilités : produire sur place pour exporter et approvisionner les marchés européens ou produire sur place avec un débouché local. Il y a par exemple une exploitation de pisciculture en déshérence qui cherche un repreneur après le départ des Taïwanais. Une coentreprise entre des Burkinabés et des Néerlandais a été créée pour produire des pommes de terre et le système d'irrigation est français. Un grossiste importateur peut très bien faire de la contractualisation pour s'approvisionner en mangue, par exemple. Il va devoir surtout investir en conditionnement et peut très bien créer une coentreprise pour l'équipement. Dans ce cas, instaurer une relation de confiance, mettre en place des normes, etc., seront nécessaires. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Sur les fruits et légumes, la contractualisation peut être intéressante. Une entreprise française peut aussi y implanter une usine de transformation, ce qui à ma connaissance n'existe pas encore. La création d'une filière avicole est également envisagée. Des coopérations de recherche sur des espèces ou variétés adaptées doivent être mises en place. Là aussi, il y a plein de choses à faire.
Croissance moyenne du Burkina Faso de 3,1 % par an
46,4 % de la population a moins de 15 ans
Un tiers des 9 millions d'hectares de terres agricoles est exploité
Source : Racine
LMH : Que craignent principalement les entreprises françaises en investissant en Afrique ?
B. N. : La grande timidité des Français avec l'Afrique, due au passé, et la méconnaissance des marchés sont des freins, mais la crainte exprimée reste la corruption. Les autorités m'ont assuré que ce problème n'existait pas au sein du pôle. Je ne sais pas ce qu'il en est dans le reste du pays. Mais, la problématique étant connue, l'entreprise peut la prévoir dans son projet, la prendre en compte dans les risques.