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Bio : Cinq stratégies testées pour une ration à base de méteil ensilé tôt

Semer une prairie sous couvert de mélange céréales-protéagineux peut permettre de gagner en moyenne 2 à 3 t de matière sèche par hectare lors de la première coupe. Ensilé tôt, ce fourrage répond à différentes attentes d’éleveurs laitiers bio.

Produire plus de fourrages et de lait, améliorer son autonomie protéique, sécuriser la production de fourrages… les priorités diffèrent selon les contextes et les éleveurs. L’implantation en automne de prairies sous couvert d’un mélange céréales-protéagineux peut répondre en tout ou en partie à ces différentes préoccupations. Mais cela nécessite un prérequis. « En élevage laitier, quel que soit l’objectif recherché, la priorité pour les vaches laitières est mise sur la qualité du fourrage plus que sur le rendement. Pour cela, il faut réaliser un ensilage précoce (avant début mai) et limiter la part de céréales (20 à 50 kg/ha) au profit de légumineuses telles que la vesce et du trèfle », explique Jean-Claude Huchon, conseiller à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Une récolte tardive peut cependant convenir à des génisses laitières ou des troupeaux allaitants.

Pour objectiver les impacts de ces pratiques dans les systèmes bio, la chambre d’agriculture des Pays de la Loire a simulé cinq stratégies d’intégration de mélanges céréales-protéagineux avec un semis de prairies sous couvert. Les simulations ont été réalisées sur une ferme représentative des fermes laitières bio de la région.

Pour ces cinq stratégies, l’itinéraire technique retenu est identique. Il s’appuie sur l’implantation en octobre de 12,5 ha de prairie sous couvert d’un mélange céréales-protéagineux ensilé fin avril ou début mai. Le gain de rendement lors de la première coupe par rapport au semis d’une prairie semée seule est estimé à 3 t MS/ha en moyenne, soit un total de +37,5 tonnes de matière sèche (12,50 ha x 3 t MS/ha). Cela représente 0,6 t MS/VL traite/an. Le mélange se compose d’avoine d’hiver (50 kg/ha), de vesce commune (15 kg/ha), de trèfle incarnat (6 kg/ha) et de trèfle squarrosum (3 kg/ha). « Peut-être que du seigle commun serait plus adapté que l'avoine pour éviter les repousses dans les prairies », indique Jean-Claude Huchon. La valeur alimentaire moyenne est de 0,85 UFL, 81 g PDIN, 73 g de PDIE, 13 % de MAT, 1,09 UEL.

Scénario 1 : Booster l’autonomie globale du système

L’hypothèse testée ici consiste à maintenir le nombre de vaches et leur niveau de production. Ce scénario propose de substituer dans la ration une partie du maïs ensilage par du maïs épi. La quantité d’ensilage de maïs baisse à 0,4 t MS/VL/an contre 1,2 t MS/VL/an initialement. Le maïs épi est distribué à hauteur de 0,5 t MS/VL/an, soit 31 t MS par an. Cette substitution a pour but de densifier la ration en énergie. Elle permet aussi d’augmenter l’ingestion de fourrage (+0,5 t MS/VL d’herbe et de mélange fourrager mélangé dans le même tas). L’encombrement retenu est de 0,5 UEL/kg MS pour le maïs épi contre 0,94 UEL/kg MS pour l’ensilage de maïs classique. La substitution d’une partie de l’ensilage de maïs par du maïs épi permet également d’économiser du méteil grain (345 kg/VL/an contre 470 kg/VL/an dans le système initial) et la vente du surplus économisé.

Avec ces hypothèses, les besoins annuels en correcteur azoté baissent de 100 kg/VL pour se limiter à 160 kg/VL/an. Cela représente une économie totale de 6,4 t/an. Avec un prix du correcteur azoté à 1 200 euros la tonne, l’EBE de l’exploitation se trouve amélioré de 7 400 euros (17 €/1 000 l). « Cette augmentation est fortement liée à l’écart d’encombrement retenu pour le maïs ensilage et le maïs épi ainsi qu’à la valeur du méteil et de l’ensilage d’herbe. Elle permet une économie en correcteur et céréales autoconsommées », résument les auteurs de l’étude.

Le gain d’EBE atteint près de 10 000 euros quand le prix du correcteur franchit la barre des 1 600 euro. La substitution de 5,8 ha de maïs ensilage par la même surface en maïs épi est quasi neutre sur le plan des charges de mécanisation et de conduite de la culture (environ 5 400 €).

L’autonomie protéique est légèrement améliorée (de 89 % à 92 %). Seul bémol, le temps de travail augmente d’environ 58 heures par an, dont 38 heures pour l’implantation et la conduite et la récolte du mélange fourrager et une vingtaine d’heures pour la reprise du maïs épi.

Cette conduite nécessite d’avoir une capacité de stockage supérieure pour les fourrages et notamment pour le maïs épi. « En choisissant une fauche haute plutôt que du maïs épi, vous pouvez faciliter la distribution du fourrage et le stockage sans trop déconcentrer la ration », précise Jean-Claude Huchon. « La valeur du maïs épi tourne en effet autour de 1,06 à 1,08 UFL/kg MS contre environ 1 UFL/kg MS pour le maïs fauché haut (à 40-60 cm du sol). » Enfin, elle ne peut s’appliquer que dans des régions moins sensibles aux aléas climatiques de printemps-été où le maïs est conservé dans l’assolement.

Scénario 2 : Plus d’autonomie protéique avec autant de lait et plus de vaches

Dans cette hypothèse, la priorité est donnée à l’autonomie protéique en acceptant de traire six vaches supplémentaires et une baisse de production par vache (-400 l/VL). La production de méteils fourragers protéagineux permet de nourrir ces six vaches supplémentaires. La part globale de méteil et d’herbe mélangés dans la ration progresse de 0,4 t MS/VL/an. Celle du maïs diminue de 0,1 t MS/VL/an.

Du fait de la diminution du lait par vache, la quantité de correcteur azoté passe de 260 à 195 kg/VL/an. « Cette stratégie est intéressante sur le plan éthique mais moins que la précédente sur le plan économique. Elle impacte fortement le temps de travail supplémentaire (+254 h/an) », prévient Sylvère Gelineau, conseiller à la chambre. Elle requiert également plus de places en bâtiments.

Scénario 3 : Plus de fourrages par hectare et de céréales vendues

Une troisième stratégie présentée propose, grâce à l’augmentation des rendements de première coupe, une légère intensification fourragère permettant de vendre ou d’autoconsommer plus de céréales. Le gain de rendement en première coupe des prairies obtenu grâce au mélange permet de réduire les surfaces en herbe de 6 hectares au profit de culture de céréales. Ce choix s’avère intéressant d’un point de vue économique (gain d’EBE de +4 900 €) tout en limitant l’augmentation du temps de travail à +32 h/an. « Le résultat économique est positif à partir de 2 t MS/ha de gain de rendement pour les fourrages », soulignent les auteurs de l’étude. Mais il est à nuancer en fonction du potentiel céréalier des terres. « Avec un potentiel inférieur à 25 q/ha, l’intérêt économique est rapidement négatif. »

Scénario 4 : Priorité à la production laitière

Dans ce scénario, les 37 tonnes de matière sèche produites grâce au mélange céréales-protéagineux permettent à l’éleveur de nourrir et traire six vaches supplémentaires et de produire 32 715 litres de lait en plus. Il n’y a pas d’économies en concentrés. Le bilan économique est positif tant que l’augmentation du rendement en fourrage permise par le semis sous couvert dépasse 1,5 t MS/ha. La dépendance aux achats de correcteurs azotés est légèrement augmentée. Le gros point noir de cette stratégie est l’augmentation du temps de travail évaluée également à +254 h/an. Par ailleurs, sa mise en place nécessite, là aussi, d’avoir l’accord de sa laiterie et suffisamment de place dans le bâtiment pour accueillir les vaches supplémentaires.

Scénario 5 : Plus d’autonomie et moins de maïs en sols séchants

La cinquième stratégie concerne le cas particulier de la recherche d’autonomie ou de sécurisation fourragère en sol séchant L’objectif est de maintenir la production par vache et le nombre de vaches. Dans ce contexte, les rendements en maïs sont aléatoires. La conduite se base donc sur une réduction de la part d’ensilage de maïs distribué (passage de 8 à 3 kg MS/j/VL dans la ration). Cette dernière est compensée par l’augmentation de celle du mélange fourrager ensilé (3 kg MS/j/VL) et du maïs grain acheté (197 kg/VL/an soit au total 16 t à 400 €/t). Cette stratégie s’avère intéressante d’un point de vue économique dès que le rendement en maïs ensilage est inférieur à 8 t MS/ha. Les auteurs notent que ce choix n’a pas d’impact sur le volume de travail global (+2 h/an).

Une alternative à cette stratégie consisterait à accepter une baisse de production et de faire l’impasse sur l’achat de maïs grain. La production par vache baisserait alors de 300 litres avec à la clé une baisse de produit lait d’environ 10 000 euros. Mais cette simulation économique a ses limites. Elle ne tient en effet pas compte de l’impact de la suppression du maïs grain sur les taux, l’état corporel des vaches, la repro et le prix des ventes des vaches de réforme.

L’exploitation bio type des Pays de la Loire

Les caractéristiques retenues pour les simulations économiques sont les suivantes :

103 ha de SFP dont 10 % en maïs
15 ha de céréales
81 vaches
5 700 l de lait/vache
1,2 t MS de maïs ensilé/VL/an
1,2 t MS d’ensilage d’herbe/VL/an
Pas de mélange céréalier fourrager protéagineux
440 750 l de lait bio livrés par an
475 €/1 000 l de prix du lait
141 480 € d’EBE avant MSA

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