Consommation
[Coronavirus Covid-19] Circuits-courts et déconfinement : une tendance qui s’essouffle ?
Confinés, de plus en plus de Français se sont tournés vers les circuits courts, les produits locaux, la proximité. Mais avec le déconfinement, les opérateurs observent une perte parfois massive de ces nouveaux clients. Alors, qu’est-ce-qui a changé ? Quelle tendance sera la norme demain ? Un webminaire avec Sandrine Doppler et Philippe Goetzmann a fait le point le 1er juillet.
Confinés, de plus en plus de Français se sont tournés vers les circuits courts, les produits locaux, la proximité. Mais avec le déconfinement, les opérateurs observent une perte parfois massive de ces nouveaux clients. Alors, qu’est-ce-qui a changé ? Quelle tendance sera la norme demain ? Un webminaire avec Sandrine Doppler et Philippe Goetzmann a fait le point le 1er juillet.
Confinés, de plus en plus de Français se sont tournés vers les circuits courts. Mais cette tendance sera-t-elle durable ? Accessible à tous les ménages ? Et pour quels circuits de distribution ? D’autant plus que depuis une dizaine de jours, la presse française -mais aussi belge, suisse…-, fait état d’un revirement de situation : submergés de demandes de nouveaux clients pendant le confinement, producteurs et autres acteurs des circuits courts et locaux ont dû produire davantage. Mais dès la fin du confinement, ces nouveaux clients ont déserté. Pourtant la qualité est la même, les prix et le mode de livraison aussi… Alors qu’est-ce qui a changé ?
Avant le confinement : la proximité, comme mécanisme de réassurance
Selon les chiffres de la FNSEA, avant le confinement, 10 % de la consommation passait par les circuits courts, soit 7,8 Md€. A titre de comparaison, les produits de grande consommation pèse pour 105 M€. « Circuits courts et achats de produits locaux existent depuis longtemps, et on voit depuis dix-quinze ans une accélération, avec le développement des Amap, des magasins de producteurs… ainsi qu’une fragmentation des consommateurs », relate Philippe Goetzmann, consultant et conférencier en “Nouvelle consommation”, lors d’un webminaire le 1er juillet.
Et Sandrine Doppler, consultante en “Transition alimentaire et innovation”, de confirmer : « Il y a deux types de consommateurs. Le consommateur rural achète depuis déjà longtemps en circuit court ou local, car il a l’opportunité : la ferme ou le magasin d’à côté. Le consommateur des villes ou des zones péri-urbaines est une nouveauté, émergeant avec le mythe du consommateur responsable. »
Cette émergence d’un nouveau consommateur va de pair avec le besoin de réassurance. Comme l’expliquent les deux consultants, « nous assistons à une forme de crise de la consommation dans un contexte anxiogène et les consommateurs ont besoin de confiance. Cette confiance se trouve dans le patron de l’entreprise locale, que l’on connaît.» D’ailleurs, depuis cinq ans, la quasi-totalité de la croissance de la consommation alimentaire en hyper-super a été portée par les marques de PME.
Pendant le confinement : une consommation contrainte
Il est vrai que pendant le confinement, le commerce de proximité, les achats de produits locaux, les circuits courts ont connu des croissances extraordinaires. « Il y a eu une accélération du business des circuits courts et du local, mais une accélération encore plus forte de leur médiatisation, analyse Philippe Goetzmann. Mais il ne faut pas oublier que ce confinement a contraint la consommation : limités en distance et en temps, et essayant de faire de cette seule sortie un moment convivial, les consommateurs allaient au magasin au plus près, sans se soucier de la question du pouvoir d’achat. »
Sauf que le premier frein à consommer local et de circuit court reste le budget. « On estime que la part de budget est de 170-222€ par famille, pour un salaire médian français de 1800 €, cela fait beaucoup, explique Sandrine Doppler. Autres freins à consommer des circuits courts et local : c’est chronophage (multiplicité des lieux de vente), il faut assumer socialement (c’est “bobo”), les insights négatives (fatigue ou motivation du jour). Avec le déconfinement, on retrouve d’un coup tous ces freins pèle-mèle. »
Après le déconfinement : exit les bonnes habitudes
Autre donnée à prendre en compte : la fermeture de la RHD et des marchés de plein-vent qui a reporté -temporairement- les ventes sur les primeurs et les circuits courts. « Et n’oublions pas que ceux qui fréquentent le plus les circuits courts sont les urbains en vacances qui veulent consommer le folklore local. Or, les Parisiens se sont massivement confinés en province, consommant comme lorsqu’ils sont en vacances. Mais ces urbains sont à présent retournés en ville », souligne Philippe Goetzmann.
Il estime qu’il n’y a pas eu d’innovations pendant la crise, mais une accélération de l’existant, comme avec la digitalisation. Le e-commerce en drive a progressé de +80 à +100 % en chiffre d’affaires et post-confinement, il continue à progresser mais beaucoup moins vite, de l’ordre de 30 %. Déconfinés, les Français retrouvent leurs anciennes habitudes. E. Leclerc, qui était un des grands perdants du confinement, vient de regagner d’un coup 1,9 point de parts de marché ! Evoquons aussi les queues devant les McDo, les émeutes à Lidl…. « On revient à un nouveau normal mais un normal pas tout à fait comme avant. Ceux qui ont changé leurs habitudes en gardent une trace -les fichiers clients aussi », précise Philippe Goetzmann.
« Selon Nielsen, après six semaines de déconfinement, seulement trois consommateurs sur dix ont conservé leurs nouvelles habitudes alimentaires de confinement. Alors qu’est-ce que cela va donner après les vacances d’été ? », s’interroge Sandrine Doppler.